Des secrets enfouis
Le dimanche matin, Sarah se leva un peu plus tard que d’habitude, le sommeil n’ayant pas été réparateur. Une partie de son esprit tournait encore autour des conversations de la veille et des décisions qu’elle avait reportées. Le visage d’Alex, son sourire et ses yeux sincères, ne cessaient de hanter ses pensées. Elle se sentait partagée entre un désir de liberté et une peur irrationnelle de se perdre dans cette relation naissante. Il était trop facile de s’abandonner, de se laisser porter, mais Sarah savait que tout choix imposait des sacrifices.
Elle se rendit dans sa cuisine et se prépara un café noir, laissant le parfum amer remplir l’espace. L’arôme familier semblait être son unique réconfort. Elle s’assit à la table, son regard se perdant dans le vide. Son téléphone vibra sur la table. C’était un message d’Alex.
“Tu m’as manqué. J’espère qu’on pourra se voir cette semaine. Fais-moi savoir quand tu es dispo.”
Sarah hésita avant de répondre. Elle avait envie de le voir, de passer du temps avec lui, mais une petite voix dans sa tête l’avertissait de ne pas s’engager trop rapidement. Elle ne voulait pas se précipiter dans une histoire sans réfléchir, sans comprendre ce que cela signifiait vraiment pour elle. Elle décida de repousser une fois de plus, mais d’une manière plus douce.
“Coucou Alex, je pense à toi aussi. Cette semaine est un peu chargée, mais peut-être jeudi soir ? Je te tiendrai au courant.”
Une fois le message envoyé, Sarah se sentit un peu mieux, mais toujours tiraillée. Elle prit une grande respiration et se leva de la table. Peut-être que le mieux était de sortir un peu, de changer d’air, d’aller dans un endroit où elle n’aurait pas à penser à tout cela. Elle enfila un manteau léger et décida de se rendre à la librairie qui se trouvait au coin de la rue. Un petit coin de tranquillité où les pages des livres pouvaient l’emmener loin de ses préoccupations.
En arrivant à la librairie, l’odeur du papier et du cuir ancien l’enveloppa immédiatement, comme un appel à l’évasion. Sarah se perdit parmi les étagères, feuilletant les couvertures des livres sans vraiment lire. Puis, un livre attira son attention. C’était un vieux roman, usé par les années, mais d’une beauté sobre. Le titre, “Les Secrets du Temps”, semblait lui parler. Elle le prit dans ses mains, sentit son poids, et décida de l’acheter. Quelque chose dans ce livre, dans l’idée de découvrir des secrets enfouis, résonnait profondément avec ce qu’elle ressentait.
Lorsqu’elle sortit de la librairie, le ciel était gris, menaçant de pluie. Elle décida de prendre un taxi et se rendit directement chez elle. Alors qu’elle rentrait dans son appartement, le téléphone vibra de nouveau. Cette fois, c’était un appel d’Alex.
Elle hésita avant de répondre. D’un côté, elle ressentait une irrésistible envie de l’entendre, de savoir ce qu’il avait à lui dire, mais de l’autre, elle avait peur d’être emportée par des émotions qu’elle n’était pas prête à affronter.
— Salut, Sarah, ça va ? dit Alex d’une voix chaleureuse.
— Salut, Alex, ça va. Et toi ?
— Ça va bien. J’ai pensé à toi ce matin. J’ai réservé une table pour ce soir, si tu es libre. On pourrait enfin se voir, discuter, prendre un peu de temps pour nous.
Les mots d’Alex, si spontanés et sincères, touchaient Sarah au plus profond d’elle-même. Mais elle savait que ce n’était pas si simple. Chaque fois qu’elle se retrouvait face à lui, la question du compromis revenait. Elle avait l’impression que pour chaque moment de bonheur qu’elle vivait, elle en perdait un autre, qu’elle devait choisir une partie d’elle-même au détriment d’une autre.
— Je… Je ne suis pas sûre, Alex. J’ai encore beaucoup de choses à réfléchir. Ce n’est pas simple pour moi, tu sais.
Alex sembla comprendre, un silence s’étendant entre eux avant qu’il ne réponde doucement.
— Je comprends, Sarah. Je ne veux pas te mettre de pression. On peut se voir quand tu seras prête. Juste sache que je tiens à toi, et je suis là, à ton rythme.
Les paroles d’Alex apaisèrent un peu l’angoisse qui s’était emparée d’elle, mais elles ravivaient aussi cette même douleur : celle de ne pas être entièrement elle-même dans une relation, d’avoir à jongler constamment entre ses désirs et les attentes des autres.
Elle raccrocha après un dernier échange de mots, et se laissa tomber sur le canapé. Les pensées tournaient en boucle dans sa tête, mais ce n’était pas uniquement Alex qui occupait son esprit. Elle se sentait piégée par des attentes bien plus vastes. Sa famille, son travail, ses amis… tout semblait exiger quelque chose d’elle, une part d’elle-même qu’elle n’était pas toujours prête à donner. C’était comme si chaque geste, chaque choix qu’elle faisait devait être justifié, analysé, évalué.
Elle se leva brusquement et se dirigea vers son bureau. Ouvrant une armoire, elle fouilla dans un tiroir et en sortit une vieille boîte en bois. À l’intérieur, des lettres jaunies et des photos anciennes étaient soigneusement rangées. Cela faisait longtemps qu’elle n’y avait pas touché. C’était son histoire familiale, des souvenirs de son enfance et des messages écrits par ses parents, ses proches. Elle prit une lettre au hasard et la lut, ses yeux se noyant dans les mots écrits à la main de sa mère.
“Ma chère Sarah, je sais que tu as grandi vite et que tu veux marcher sur ton propre chemin. Mais n’oublie pas que peu importe où tu vas, tu n’es jamais seule.
Les mots de sa mère, toujours aussi pleins d’amour et de tendresse, la frappèrent avec force. Elle avait toujours fait de son mieux pour être la fille que ses parents attendaient, la personne qu’elle pensait devoir être. Mais à quel prix ? Elle se sentait prisonnière de cette image d’elle-même, cette personne toujours à la recherche de validation extérieure, et pas seulement pour elle-même.
