Chapître 1 - 2
Le lendemain matin, elle se présenta au bureau de Bastien. L’immeuble s’élevait avec une prestance intimidante, tout comme l’homme qui l’attendait à l’intérieur.
Lorsqu’elle pénétra dans son bureau, il était assis derrière un immense bureau en verre, les doigts entrelacés, un regard indéchiffrable fixé sur elle.
— Tu es venue plus tôt que prévu, fit-il remarquer.
Camille haussa les épaules.
— Autant en finir tout de suite.
Un sourire effleura ses lèvres, mais il ne dura qu’une fraction de seconde.
— J’apprécie ton pragmatisme.
Il se leva, contourna le bureau et posa un dossier devant elle.
— Lis et signe.
Elle attrapa le stylo sans un mot, mais son regard restait braqué sur lui.
— Tu comptes m’expliquer pourquoi moi ?
Bastien ne répondit pas immédiatement. Il s’appuya contre le bord du bureau, croisant les bras.
— Parce que je n’ai confiance en personne d’autre.
Elle aurait pu en rire si le sérieux dans sa voix ne l’avait pas figée sur place.
— Ne me dis pas que tu n’as pas une armée d’employés qualifiés.
— J’en ai. Mais ils ne sont pas toi.
Le silence s’étira, lourd d’un sous-entendu qu’elle n’arrivait pas à saisir.
Elle baissa les yeux vers le contrat, signa, puis posa le stylo avec détermination.
— Très bien. Maintenant, dis-moi ce que tu attends de moi.
Bastien se redressa, son regard prenant une intensité qu’elle connaissait trop bien.
— Suis-moi.
Il sortit du bureau sans attendre. Camille hésita une seconde, puis se leva à son tour, son instinct lui hurlant qu’elle venait d’entrer dans un monde dont elle ignorait encore toutes les règles.
***
Bastien l’amena jusqu’à un ascenseur privé. Lorsqu’ils en sortirent, ils se retrouvèrent dans un couloir silencieux, où chaque pas résonnait étrangement.
Il ouvrit une porte et s’effaça pour la laisser entrer.
Camille stoppa net en découvrant ce qui l’attendait de l’autre côté.
Une immense baie vitrée offrait une vue plongeante sur une cour intérieure où s’entraînait un groupe d’hommes et de femmes aux mouvements aussi fluides que dangereux. Des combats s’enchaînaient avec une rapidité surnaturelle, des coups précis, brutaux, efficaces.
Ce n’était pas un simple centre d’affaires.
Ce n’était pas un simple contrat.
Bastien s’approcha derrière elle, son souffle effleurant presque sa nuque.
— Bienvenue dans mon monde, Camille.
Elle se tourna lentement vers lui.
— Qu’est-ce que c’est ?
Un éclair d’amusement traversa son regard.
— La véritable raison pour laquelle j’avais besoin de toi.
Son cœur rata un battement.
— Bastien…
— Maintenant que tu as signé, tu ne peux plus reculer.
Sa voix était calme, posée, mais il y avait une ombre dans ses yeux.
Elle comprit alors.
Elle n’avait pas signé un simple contrat. Elle venait d’entrer dans un univers dont elle ne soupçonnait même pas l’existence.
Et Bastien venait de l’y enfermer.Camille repéra immédiatement l’anomalie. Une silhouette, trop statique, trop attentive, dissimulée derrière l’une des colonnes du couloir. Une fraction de seconde plus tard, Bastien la frôla en avançant d’un pas mesuré, et la silhouette disparut comme si elle n’avait jamais existé.
Elle croisa les bras, son regard planté dans le sien.
— Tu comptes m’expliquer ce que c’était ?
Il ne ralentit pas.
— Rien qui te concerne.
Elle serra la mâchoire et le suivit, les tensions sous sa peau s’alignant sur celles de l’air autour d’eux. Ils passèrent une porte, puis une autre, et bientôt ils se retrouvèrent dans une salle plus vaste, plus sombre, où une unique source de lumière tombait directement sur une table en bois massif.
Bastien s’appuya contre le rebord, son regard acier pesant sur elle.
— Maintenant qu’on y est, il est temps de poser les règles.
Un frisson courut le long de sa colonne vertébrale.
— Règles ?
— Oui. Si tu veux travailler avec moi, il y a des limites à ne pas franchir.
Elle haussa un sourcil, croisant les bras.
— Je croyais avoir déjà signé un contrat.
— Le papier ne représente rien, Camille. Ce qui compte, c’est ce que je vais te dire maintenant.
Elle le détailla, cherchant un indice, une faille, quelque chose qui lui permettrait de comprendre dans quoi elle venait de se jeter.
— Je t’écoute.
— Première règle, dit-il en détachant chaque mot. Ce que tu verras, ce que tu apprendras ici, ne sort jamais de ces murs.
Son ton était sans appel. Un avertissement autant qu’une déclaration.
— Je ne suis pas une idiote.
— Je n’ai pas dit que tu l’étais. Mais tu n’as aucune idée de ce que tu viens d’intégrer.
Elle inspira profondément, mais ne répondit rien. Il poursuivit.
— Deuxième règle. Si je te demande de partir, tu pars. Si je te dis de rester, tu restes.
Un éclat de défi traversa son regard.
— Et si je refuse ?
Son sourire fut lent, mesuré, presque amusé.
— Alors tu n’aurais jamais dû signer ce contrat.
La tension entre eux s’intensifia d’un cran.
— Tu veux une soumission aveugle ? lança-t-elle.
— Je veux ta confiance.
Elle eut un rire sans joie.
— C’est ironique, venant de toi.
Son expression s’assombrit légèrement, mais il ne répliqua pas.
— Troisième règle, poursuivit-il. Si un danger survient, tu ne joues pas les héroïnes. Tu écoutes ce qu’on te dit et tu agis en conséquence.
Elle sentit son estomac se nouer.
— Quel genre de danger ?
Il la fixa un instant, puis s’approcha.
— Ce n’est pas une entreprise ordinaire, Camille.
Elle l’avait compris. Depuis le premier jour. Depuis le moment où il avait posé cette enveloppe sur sa table.
— Sois plus clair.
Il laissa passer quelques secondes avant de répondre.
— Le monde dans lequel je vis n’a rien à voir avec ce que tu connais. Il y a des règles que tu ne soupçonnes pas, des lois qui ne s’écrivent pas sur du papier. Tu veux des réponses ? Très bien. Mais ne me demande pas de t’en donner plus que ce que tu es capable de gérer.
Elle ouvrit la bouche, prête à protester, mais il ne lui en laissa pas l’occasion.
— Et dernière règle. Si tu décides de rester, tu restes jusqu’au bout. Pas de fuite, pas de retour en arrière.
Un silence épais s’installa.
— Jusqu’au bout de quoi ?
Un éclat étrange passa dans ses yeux.
— Jusqu’à ce que tout soit terminé.
Les mots laissèrent une marque invisible dans l’air, une frontière qu’elle n’était pas certaine d’être prête à franchir.
Mais elle savait une chose.
Bastien ne jouait pas.
Et elle venait d’entrer dans une réalité dont elle ne connaissait pas encore les règles.
