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#Chapitre1️⃣

-Tu trouves que c'est toi qui dois encore m'apporter un verre d'eau alors que ça devrait être ma petite fille ou mon petit fils ? Me disait la personne en face de moi.

Je ne trouva rien à redire face à cela, intérieurement je me disais que je devais être forte, qu'il ne fallait surtout pas que je craque, au malheur de la voir me rire au nez comme à l'accoutumée.

- Ne me regarde pas avec tes gros yeux. Reprit-elle. Dis-moi plutôt que tu es déjà enceinte.

-Pas encore maman mais ...

Je baisse les yeux car je me sens remplie de frustration de la décevoir à nouveau.

Elle me regarda juste de la tête aux pieds et piaffa.

-retourne plutôt à tes occupations, je n'ai pas besoin de ton eau merci.

Vous l'avez compris, dans mon existence de femme j'avais tout, sauf ce qui fait de vous une vraie femme dans la société africaine : un enfant!

Quel jour n'ai-je pas pleuré ? Quel saint n'ai-je pas prié ? Quel médicament ou potion n'ai-je pas bu ? Quel hôpital ne gardait pas les traces de mes pas ni même mon parfum ? Mais à chaque fois, l'on me disait qu'il n'y avait rien de grave, je devais être patiente ou tout simplement on me prescrivait des traitements onéreux et douloureux pour se débarrasser de moi, en me promettant qu'après cela, je tomberai enceinte.

La seule chose qui me réconfortait en ces moments difficiles, c'était le fait que j'avais le plus incroyable des maris. Oh mon mari, je souhaite que toutes les femmes aient la chance d'avoir un homme aussi merveilleux que lui et surtout avec le critère le plus important pour moi: la crainte de Dieu.

Ezéchiel Nlend et moi, nous nous sommes rencontrés il y a de cela une quinzaine d'années exactement.

Nous étions dans la même faculté mais nous avions des filières différentes.

Dès mes premiers jours de cours, je l'ai remarqué et il m'a tout de suite plu mais j'étais trop timide pour l'approcher surtout en étant le beau garçon de l'école, presque toutes les filles tournaient déjà autour de lui.

C'est ainsi que pour l'avoir, j'avais dû me lier d'amitié avec une petite de son quartier qui elle même était amie avec sa petite sœur.

Comme on dit l'amie de mon amie c'est mon amie, c'est ce que j'ai fait car j'avais mes objectifs à atteindre, mais ça m'avait pris un an quand même.

Une année durant laquelle je me faisais coquette juste pour aller soit disant voir ma copine, qui elle m'amenait chez sa copine.

Et une année durant laquelle il ne me calculait pas.

Alors que je me résignais déjà, notre première conversation avait eu lieu comme ça par hasard au cours d'un des nombreux samedis que je passais chez eux.

En fait quand j'y pense, il ne m'avait adressé la parole que lorsque je mettais crêpé le chignon avec une autre amie à sa sœur qui contrairement à moi, elle avait eu le courage de lui faire comprendre qu'elle l'aimait.

A partir de ce jour il a commencé à me dire bonsoir lorsqu'il me trouvait chez eux, bonjour à l'école, jusqu'au jour où il m'invita au beignetariat du coin.

Comme habituellement,je trainais chez eux et j'étais en babouches, cheveux pas très bien coiffés, un simple chignon bas faisait office de coiffure. J'avais un gros pull-over à cause de la saison et une petite jupe droite de couleur rose que je portais pour rester à la maison contrairement à lui qui portait une belle chemise rose pale; un jeans bleu foncé et des baskets. Ceci étant, ça ne nous avait pas empêché de passer un bon moment autour de bons beignets avec du haricot et un bol de bouillie de maïs.

Après ce rendez-vous où nous nous étions trouvés beaucoup de points communs, nous ne nous sommes plus quittés, je passais toutes mes soirées dans leur maison, prétextant les révisions alors qu'à la place du cahier c'était son visage que je contemplais et à la place de mes cours c'était ses baisers suaves que je retenais.

Un vendredi soir après une « séance de révision

», il avait insisté pour me raccompagner jusqu'à mon domicile, ce que je trouva mignon.

-on y est, c'est ici. Avais-je dis alors que nous nous étions arrêtés devant le portillon de ma tante.

- tu penses que ta tante peut déjà être là ?

Je répondis par l'affirmative car elle n'était pas du genre à rester dehors à plus de vingt et une heure mais je lui demandais aussi pourquoi. Il n'avait jamais parlé d'elle avant ce jour.

-Je veux la rencontrer pour lui demander la permission de sortir officiellement avec toi m'avait-il dit.

On ne peut pas toujours prétexter les études, il faut qu'on fasse les choses bien et que tu aies du temps d'abord pour les études ensuite pour me donner des baisers chauds.

Après de longues années de fiançailles qui commencèrent par l'approbation de ma tante, nous nous sommes mariés sans encombres et chaque jour qui passe je l'aime plus que la veille.

Ezéchiel est mon rocher, pour lui j'aurai tout fait, je dis bien tout. Pourtant quelle phrase ironique vous me direz alors que je n'arrive pas à lui donner la seule chose qu'il désire tant : un enfant.

Malgré cela, jamais il ne s'est plaint, au contraire, son regard était resté le même ainsi que son affection pour moi pendant nos sept années de vie commune. Il prenait toujours ma défense devant sa famille ou ses amis qui en aucun jour ne m'ont traité comme une fille ou une sœur à consoler dans cette situation.

- Bonsoir bébé.

Il entre dans notre chambre et dépose son attaché-case sur le canapé près de la porte.

Mais que fais-tu couché à pareille heure, quand en plus maman est au salon ? Pourquoi tu veux lui donner l'occasion de se plaindre encore de toi?

-Rien bébé. Dis-je en reniflant rapidement.

j'avais un peu mal à la tête mais c'est... Je me lève de notre lit conjugal pour lui souhaiter la bienvenue

-Tu as pleuré ?

Il me retient par les épaules alors que je m'apprête à l'embrasser.

- Non bien sûr que non. J'essuie rapidement les larmes sur mes joues en essayant d'avoir le ton le plus neutre possible.

- Ne me mens pas Kara. dit-il d'un ton ferme mais pas méchant ni même brusque. Je te connais suffisamment pour savoir quand est ce que tu as pleuré. En plus tu as les joues humides.

- Oui j'ai pleuré, oui j'ai pleuré avouais-je en sentant une nouvelle vague de sanglots monter.

Mais comment ne pas pleurer quand ta mère dès qu'elle arrive, c'est me demander si je ne suis toujours pas enceinte. Est ce ma faute ?

Croit-elle que je fais exprès de ne pas lui donner des petits-fils ?

Pendant que je lui explique mon bref échange avec sa mère, mes larmes recommencent à couler, ce qui rend mon monologue peu audible.

Mon mari comme l'être doux qu'il est, se précipite de me prendre dans ses bras et de me caresser les cheveux en me chuchotant que ça ira, qu'il fallait faire confiance à Dieu. C'est tout ce qu'il pouvait dire mais je le savais autant à bout de souffle que moi. Il luttait juste pour ne pas craquer à son tour.

Après un long moment où je pus me calmer, il m'invita à prier.

-Ah Ezéchiel en fait ...

- allez debout me dit-il en me tirant du lit.

Honnêtement je n'avais plus la force pour cela mais je ne voulais pas montrer à mon mari qu'il m'arrivait de perdre ma foi quand mon entourage me piétinait.

Quant à lui, c'est tout ce qui lui restait et je ne voulais certainement pas la lui retirer.

Pendant une quinzaine de minutes, nous étions à genoux l'un en face de l'autre, nous tenant les mains, en demandant à Dieu de se souvenir de nous. Il m'arrivait d'ouvrir les yeux et de regarder mon mari prier avec tellement de détermination et mes larmes redoublaient sur mon visage car moi au fond, je manquais de cette détermination, j'étais déjà fatiguée de tout ceci.

-Amen !

- Amen ! Répondis-je aussi avant de le lever.

- Je sais que c'est difficile mais je t'en prie, ne laisse plus les paroles de maman te blesser.

Il me caresse l'épaule et me fait un bisou sur le front.

- D'accord chéri. Je ferai un effort.

- C'est Dieu qui donne les enfants et notre tour viendra. Pardon laisse-les parler et affiche-moi plutôt ton plus beau sourire. D'ailleurs tu as cuisiné quoi?

Je sais qu'il change de sujet pour me faire sourire, après tout ça ne sert à rien de s'éterniser sur un sujet où nous ne pouvons faire plus.

- Ton plat préféré. dis-je malicieusement.

- Voilà ! Tu vois lorsqu'on parle d'une vraie femme eh bien tu en es la définition exacte.

Laisse le reste là, ce ne sont que des détails.

Je me mets à rire flattée par tous les efforts qu'il fait pour me remonter le moral.

Il me prend la main et nous sortons de notre chambre pour nous diriger dans le salon où nous trouvons sa mère assise sur un canapé faisant semblant de regarder la télé.

Quand elle vit son fils, elle afficha un sourire en lui ouvrant les bras, l'invitant à aller l'embrasser.

Je mourrais d'envie de savoir pourquoi elle était là cette fois et combien de temps devrait-elle passer à m'empoisonner la vie.

Je trouvais d'ailleurs ses visites très oppressantes. Nous étions un jeune couple qui vivait dans une petite maison de deux chambres salon mais surtout nous essayions d'avoir un bébé du coup nous avions souvent le besoin d'exprimer notre envie de fonder une famille partout où nous le voulions et comme nous le sentions.

Mais ça, malheureusement elle ne le comprenait pas ou alors faisait semblant de ne pas comprendre.

Me sentant de trop face au spectacle qui s'offre à moi, je décide les laisser et d'aller réchauffer le repas pour que nous puissions passer à table.

Deux jours plus tard, prétextant une migraine, je fuis le boulot pour aller chez ma seule amie et confidente Emilia.

Depuis mon enfance, je n'avais pas pour habitude de me faire des copines, ma seule amie se trouvait être ma mère et lorsque j'ai dû me séparer d'elle, Emilia a occupé cette place à partir de la classe de terminale et je l'aime beaucoup.

- Alors princesse on dit quoi? Me demanda cette dernière en prenant le siège face à moi.

- C'est toujours comme d'habitude. Dis-je tristement en déposant le verre de jus qu'elle m'avait offert un peu plus tôt,sur la table basse du salon.

-Pourquoi j'ai l'impression que tu es triste et que tu as encore versé des larmes ? Demanda t-elle en plongeant sa main dans le bol de cacahuètes devant nous.

- La tristesse fait partie de mon quotidien donc rien de nouveau. dis-je avec lassitude.

- Et pourquoi ma belle ? Pourquoi abimes tu ton joli visage avec des larmes en longueur de journée ? C'est pleurer qui va te faire tomber enceinte?

- Ma belle-mère est à la maison donc imagine ma joie, elle ne cesse de me lancer des piques, de me demander des petits-enfants, n'est-ce pas si ie connaissais le marché où on en vend ie serai allée en acheter ? Dis-je en prenant les mains d'Emilia, le regard suppliant.

- n'était t-elle pas chez vous il y a un mois ?

- figure toi qu'elle est revenue et même à Ezéchiel elle n'a pas voulu dire pour combien de temps. Elle lui a juste dit qu'elle venait se reposer, tu quittes un quartier pour un autre juste pour te reposer ?

- mince j'ai une belle-mère comme ça, je vais fuir ma propre maison hein, yeuch!

- Depuis que je demande un enfant à Dieu pour qu'elle me laisse tranquille il attend quoi ? Emilia, un seul c'est trop demandé ?

-Soit juste patiente, le temps de Dieu n'est pas le temps des hommes.

Elle me regarde avec tristesse, je sais, je le vois dans ses yeux qu'elle voudrait faire plus, qu'elle voudrait dire quelque chose de différent de d'habitude mais au contraire elle affaisse ses épaules et se renfrogne dans son siège, à court de phrases de réconfort.

- Ce n'est que ça que je fais patienter, espérer, suivre des traitements et au final pourquoi ?

- En parlant de traitement me dit-elle pour me redonner espoir. Ton rendez-vous est prévu pour quand ?

- La semaine prochaine.

Avec Emilia qui est gynécologue, nous avons eu le contact d'un de ses collègues, un spécialiste très réputé dans la fertilité.

Revenu d'Inde, il avait ouvert une clinique qui avait pour clientèle, les cas les plus désespérés du pays. D'ailleurs il fallait prendre rendez-vous des mois à l'avance à cause de l'abondance et moi j'avais eu la chance de n'attendre que quelques semaines et ce grâce aux contacts de ma meilleure amie.

Je n'avais passé que deux ou trois heures avec Emilia parce que j'avais le dîner à préparer.

Je n'aimais pas qu'une autre femme fouille dans mes affaires et s'occupe de ma maison, c'est pour ça que nous n'avions pas de femme de menage. Donc je faisais tout moi-même selon un planning que j'avais fixé. Ezéchiel aussi m'aidait beaucoup, ce qui me rendait la tache plus facile à certains moments. Il n'était pas comme certains de nos hommes bantous qui se contentaient de laisser l'argent et d'aller travailler en exigeant que tout soit prêt et propre à leur retour, sans compter qu'il fallait aussi assurer ses devoirs conjugaux une fois dans la chambre.

Non mon mari, dans notre planning avait ses jours de vaisselle, que lui-même avait choisi pour m'alléger, il se chargeait aussi de laver nos deux voitures et quelques tâches d'entretien comme tondre la pelouse, arroser les plantes ou encore vider la poubelle.

En regardant dans le congélateur, je me rendis compte que je ne savais pas du tout quoi cuisiner.

Je ne savais vraiment pas quoi faire. Je n'avais pas d'envie particulière et Ezéchiel non plus n'avait rien soumis en partant le matin.

Alors je décidais de demander à ma belle-mère, peut-être que son idée me permettrait de faire un choix.

-Maman tu veux manger quelque chose en particulier pour le dîner ?

Lui demandais-je en sortant de la cuisine tout en m'essuyant les mains avec un torchon.

Elle balaya son regard de mes pieds à ma tête.

- Non ça va je n'ai pas faim. Sa mine était tellement dédaigneuse que j'avais l'impression qu'elle ne voyait pas un humain en moi. Elle reporta à nouveau ses yeux sur son émission de télé.

- Ah ah ! mais maman à part le petit-déjeuner tu as mangé quoi ? parce que quand je vois là, lui dis-je en pointant en direction de la cuisine. tu n'as même pas aussi mangé en journée.

- Je n'ai pas d'appétit.

- Ah mais pourquoi ? Tu es malade ?

- Comment tu veux que j'ai de l'appétit dans une maison aussi triste ? Pas un rire d'enfant pour me faire me sentir bien ou me mettre en joie. Qui va s'amuser à me mettre la nourriture dans la bouche vu que tu n'accouches pas?

- Ok je vois, ai-je murmure.

maman si tu connais où on vend les enfants il faut me dire j'irai t'en chercher autant que tu veux même. Lui répondis-je d'un ton assez irrité.

-Madame, en plus d'avoir les fesses dures, tu veux aussi être arrogante à mon égard? Qu'ai-je dit qui ne sois vrai?

Elle se lève et vient se placer devant moi.

-Non maman mais je trouve que si même mon mari ne se plaint pas pourquoi est-ce que toi tu mets autant d'énergie à me blesser ? Maman, c'est Dieu qui donne les enfants et...

Paf! une claque qui, je suis sûre a résonné même chez le voisin, venait de m'être administré de la plus violente et subite des manières par cette dame d'une soixantaine d'années.

Je tenais ma joue endolorie, des larmes aux bord des yeux et le cœur lourd de colère. J'étais en colère, pas forcément contre elle mais plus contre moi-même qui n'arrivait pas à être une femme complète. Je revoyais toutes les fois où l'on s'était moqué de moi parce que je n'avais pas d'enfants, toutes les fois où une voisine m'a humilié parce que j'avais simplement voulu jouer avec son enfant et là j'ai senti une plus forte colère mais cette fois ci contre Dieu car il avait permis l'humiliation de trop.

-Je te giflerai encore si tu me sors des bêtises pareilles à l'avenir. Oh mon mari a dit ci il a dit ça, n'importe quoi oui...femme stérile!

- Ok je suis dans la cuisine si tu as besoin de moi. Lui dis-je en réajustant mon long Kaba avant de tourner mes talons.

- C'est des enfants dont j'ai besoin madame. Me cria-t-elle.

Après cet énième incident où je me remis à pleurer comme d'habitude, j'ai continué le dîner dans un calme plat, attendant seulement l'heure où mon homme reviendra pour me blottir dans ses bras forts et rassurants.

Il était le seul dont j'avais besoin en ce moment, lui seul avait les mots et l'attitude nécessaire pour me calmer.

Les jours qui suivirent cet incident furent les mêmes, nous allions au travail et à mon retour je m'enfermais dans ma chambre prétextant faire un jeûne, ce qui n'était pas faux d'ailleurs vu que j'avais décidé d'en faire un ultime en espérant que le Seigneur se souvienne de moi cette fois ci.

-Mon Dieu, Dieu miséricordieux, Dieu amour, mon Papa, s'il te plait comme Anne, souviens-toi de moi. Dis-je en sanglotant. Juste un enfant, un seul pour que mon mari puisse aussi être appelé papa et moi ? connaître les joies de l'enfantement. Connaître ce sentiment Papa je le désir, voir mon ventre s'allonger, avoir mal au dos, aux pieds, même vomir toute la journée

Papa je veux ça s'il te plaît.

Toi même regarde comment c'est difficile, ma belle mère m'insulte chaque jour, mes copines m'ont abandonné parce qu'elles disent que j'ai mangé mes enfants dans mon ventre et que je risque faire pareil avec les leurs. Papa ne vois tu pas que j'ai assez pleuré, que j'ai suffisamment essuyé insultes et mépris?

Même si tu ne le fais pas pour moi mais, Ezéchiel alors? Je le vois dans ses yeux qu'il souffre autant que moi pourtant il ne mérite pas ça, il est tellement bon, c'est un bon mari et un bon serviteur, alors Papa viens à notre secours s'il te plaît, viens effacer notre honte s'il te plaît...Au nom de Jésus Christ, amen.

Telle était ma prière chaque nuit avant de m'endormir les larmes pleins les yeux.

A suivre…

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