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Chapitre 7— des murmures dans l’ombre

Le cœur battant encore sous l’effet de la confrontation avec Sacha, Rosette quitta précipitamment la bibliothèque. Son souffle était court, son esprit embrouillé par ce qu’elle venait de faire. Elle n’en revenait pas elle-même. Elle avait tenu tête à Sacha. Elle avait osé.

Mais elle n’avait pas le temps de s’attarder là-dessus.

Elle avait besoin de prendre l’air, de s’éloigner un moment de tout ça.

Sans réfléchir, elle prit la direction du toit.

Les couloirs étaient presque vides, seulement éclairés par la lumière artificielle des néons. Le silence était presque oppressant.

C’est alors qu’elle entendit.

Des voix, des chuchotements inquiétants, provenant d’un coin sombre du couloir.

Elle ralentit instinctivement le pas, son cœur se serrant.

— Alors, qui est la prochaine sur la liste ?

— On ne sait pas encore. Il faut voir si elle a déjà fait le sacrifice.

— Sinon, elle n’aura pas le choix. Elle devra y passer.

Rosette sentit une vague de frissons parcourir son échine.

De quoi parlaient-ils ?

Un sacrifice ? Une liste ?

Un bruit de pas se rapprocha légèrement, et la panique l’envahit.

Dans un réflexe instinctif, elle fit un pas en arrière et…

Un craquement.

Le parquet.

Elle se figea, les yeux écarquillés.

Le silence se fit brutalement pesant.

Puis…

— C’était quoi ça ?

— Quelqu’un nous écoute.

Un bruit de mouvement.

Rosette eut à peine le temps de réagir.

Elle jeta un regard rapide autour d’elle et repéra un placard de rangement entrouvert juste à sa droite.

Sans hésiter, elle s’y engouffra.

Le cœur battant à tout rompre, elle retenait son souffle, le dos plaqué contre la paroi du meuble, les yeux rivés sur la petite fente entre les portes du placard.

Elle distingua deux silhouettes approchant lentement, scrutant le couloir.

— Il y avait quelqu’un.

— Peut-être un élève curieux.

— Si c’est le cas… il devra se taire.

Rosette porta instinctivement une main à sa bouche, luttant contre une montée de panique.

Les pas s’arrêtèrent juste devant le placard.

Un silence angoissant s’installa.

Elle sentit son souffle se bloquer dans sa poitrine.

Puis, après ce qui sembla être une éternité, l’un des inconnus souffla :

— On s’en occupera plus tard. Pour l’instant, il faut qu’on trouve la prochaine.

Et ils repartirent.

Rosette attendit de longues secondes, jusqu’à ce que leurs pas s’éloignent complètement.

Puis, lentement, elle entrouvrit la porte du placard et jeta un coup d’œil prudent autour d’elle.

Le couloir était de nouveau désert.

Elle sortit en silence, les jambes légèrement tremblantes.

Elle devait partir d’ici.

Elle ne savait pas ce qu’elle venait d’entendre, mais une chose était sûre :

Quelque chose de terrifiant se tramait dans cette école.

Rosette resta immobile dans l’obscurité du placard, son souffle court.

Les voix s’étaient éloignées, mais son cœur continuait de battre violemment dans sa poitrine.

Qui étaient ces gens ?

Et surtout…

Qu’est-ce que cette histoire de sacrifice ?

Lentement, elle posa une main sur la porte et l’entrouvrit légèrement, jetant un coup d’œil dans le couloir.

Personne.

Elle souffla discrètement, tentant de calmer sa panique intérieure.

Elle devait sortir d’ici au plus vite.

Prenant son courage à deux mains, elle se redressa et fit un pas en avant.

C’est à ce moment-là qu’une voix chuchota son nom tout près d’elle.

— Rosette ?

Elle sursauta violemment, son dos percutant la porte du placard.

— AHH—

Une main se plaqua rapidement sur sa bouche pour étouffer son cri.

— Shhh ! C’est moi !

Elle ouvrit de grands yeux ronds en reconnaissant Orchidée, qui se tenait devant elle, l’air confus et inquiet.

— Qu’est-ce que tu fais là ? demanda son amie à voix basse.

Le corps de Rosette tremblait encore sous l’effet de la peur.

Elle jeta un dernier regard nerveux autour d’elle avant de saisir la main d’Orchidée.

— Pas ici. Viens avec moi.

Sans attendre, elle l’entraîna rapidement à travers les couloirs, s’assurant que personne ne les suivait.

Elles ne s’arrêtèrent que lorsqu’elles atteignirent le jardin du lycée, un endroit relativement calme à cette heure de la journée.

Orchidée, visiblement troublée, croisa les bras.

— Ok… Maintenant tu vas m’expliquer ce qu’il se passe ?

Rosette inspira profondément.

— J’ai entendu quelque chose.

Son amie arqua un sourcil.

— Quelque chose ? Quel genre de quelque chose ?

Rosette jeta un coup d’œil nerveux autour d’elles, puis se pencha légèrement vers Orchidée.

— Deux personnes parlaient dans le couloir, près de la bibliothèque…

Elle marqua une pause, ravalant la peur qui lui tordait encore le ventre.

— Ils parlaient de quelqu’un qui allait être “la prochaine sur la liste”. Ils ont mentionné un “sacrifice”. Et si elle ne l’avait pas encore fait… ils disaient qu’elle devrait “y passer”.

Orchidée écarquilla les yeux.

— Attends… Tu es en train de me dire que tu as surpris une discussion où des gens parlaient clairement de… tuer quelqu’un ?

Rosette hocha lentement la tête.

Un silence pesant s’installa entre elles.

Puis Orchidée secoua vigoureusement la tête.

— Non, non, non. C’est insensé. Tu es sûre de ce que tu as entendu ?

— Je ne suis pas folle, Orchidée ! s’emporta Rosette. Je sais ce que j’ai entendu !

Orchidée passa une main dans ses cheveux, visiblement déstabilisée.

— Mais… c’est complètement dingue. Pourquoi quelqu’un parlerait d’un sacrifice dans un lycée ?

Rosette se mordit la lèvre.

— Tu crois que ça a un lien avec la fille qui s’est suicidée ?

Orchidée tressaillit légèrement.

— Non… Tu ne peux pas penser ça…

— Et si elle n’avait pas sauté de son plein gré ? chuchota Rosette.

Orchidée resta figée, incapable de répondre.

Rosette sentit une bouffée d’angoisse lui serrer la gorge.

Elle était sur quelque chose de gros.

Quelque chose de dangereux.

Orchidée reprit enfin la parole, mais sa voix était plus basse, plus prudente.

— Tu n’as reconnu aucune des voix ?

Rosette secoua la tête.

— Non…

Orchidée réfléchit un instant avant de poser une main sur son épaule.

— Écoute, je ne dis pas que tu as tort. Mais si ce que tu as entendu est vrai, alors tu ne devrais pas t’en mêler.

Rosette haussa un sourcil.

— Toi aussi, tu me dis de rester en dehors de ça ?

— Ce n’est pas ça ! protesta Orchidée. Mais imagine qu’ils te trouvent ?

Elle serra légèrement la main de Rosette.

— Je ne veux pas qu’il t’arrive quelque chose.

Rosette se sentit légèrement émue par son inquiétude.

Mais elle savait qu’elle ne pouvait pas faire comme si de rien n’était.

Elle devait savoir la vérité.

La cloche retentit, marquant la fin des cours de la semaine. Les élèves, libérés de leurs obligations scolaires, se dispersaient joyeusement dans les couloirs, discutant de leurs plans pour le week-end.

Rosette rangeait soigneusement ses affaires lorsque plusieurs camarades s’approchèrent d’elle et d’Orchidée.

— Hé, les filles ! lança l’un d’eux avec enthousiasme. On pensait aller boire un verre pour célébrer la fin de la semaine. Vous venez ?

Rosette sentit une légère appréhension monter en elle. Elle n’avait jamais consommé d’alcool et l’idée de se retrouver dans un bar la mettait mal à l’aise. Elle ouvrit la bouche pour décliner poliment l’invitation, mais Orchidée prit les devants.

— Ça pourrait être sympa, non ? dit-elle en se tournant vers Rosette, un sourire encourageant aux lèvres.

Rosette hésita, observant les visages amicaux de ses camarades. Elle ne voulait pas paraître asociale ou coincée. Après tout, c’était peut-être une occasion de renforcer ses liens avec eux. Prenant une inspiration discrète, elle acquiesça finalement.

— D’accord, je viens.

Le groupe s’anima davantage à cette réponse, et tous se dirigèrent vers un café réputé du centre-ville. L’établissement, chaleureux et convivial, était déjà animé par la présence d’autres étudiants célébrant le début du week-end.

Installée autour d’une grande table avec ses amis, Rosette parcourut la carte des boissons, se sentant un peu perdue face aux nombreuses options alcoolisées. Orchidée, remarquant son hésitation, se pencha vers elle.

— Si tu n’es pas à l’aise avec l’alcool, tu peux toujours opter pour une boisson sans alcool. Personne ne t’en voudra.

Reconnaissante, Rosette sourit et hocha la tête. Elle choisit finalement un cocktail sans alcool aux fruits rouges, tandis que les autres commandaient des bières ou des cocktails alcoolisés.

La soirée se déroula dans une ambiance détendue. Les conversations allaient bon train, ponctuées de rires et d’anecdotes amusantes. Rosette se surprit à apprécier ces moments de convivialité, se sentant progressivement plus intégrée au groupe.

Cependant, au fil des heures, certains de ses camarades commencèrent à montrer des signes d’ébriété. Les rires devenaient plus forts, les gestes plus expansifs. L’un d’eux, visiblement éméché, se tourna vers Rosette avec un sourire maladroit.

— Allez, Rosette, juste un petit verre ! Faut bien que tu goûtes à l’alcool au moins une fois !

Rosette fixa son verre avec hésitation. Autour d’elle, l’ambiance du café était festive, les rires résonnaient, et l’odeur sucrée des cocktails flottait dans l’air. Orchidée lui avait rappelé qu’elle n’était pas obligée, mais une petite voix dans sa tête lui disait qu’un simple verre ne changerait rien.

— Tu veux vraiment essayer ? murmura Orchidée en arquant un sourcil.

Rosette prit une inspiration, puis hocha la tête.

— Oui… juste un petit peu.

Elle porta le verre à ses lèvres et prit une première gorgée. Le goût était plus fort qu’elle ne l’avait imaginé, une brûlure légère lui réchauffa la gorge, suivie d’une amertume qu’elle ne savait pas si elle aimait ou détestait. Elle grimaça légèrement, ce qui provoqua des rires amicaux autour d’elle.

— Première fois, hein ? plaisanta un garçon.

— Ça se voit tant que ça ? répliqua-t-elle en esquissant un sourire.

— Ouais, mais t’inquiète, on s’y habitue vite.

Elle était sur le point de reposer son verre quand une sensation désagréable lui parcourut l’échine. Comme si quelqu’un l’observait. Intensément.

Elle releva doucement la tête, parcourant la salle du regard… et son cœur se serra en croisant Alex.

Il était adossé contre un mur un peu plus loin, les bras croisés, les yeux braqués sur elle avec une intensité glaçante. Son expression était fermée, mais quelque chose dans son regard… une ombre de déception ? De colère contenue ?

Rosette se raidit légèrement. Pourquoi réagissait-il ainsi ? Pourquoi s’attendait-il à quoi que ce soit d’elle ? Elle détourna rapidement les yeux, essayant d’ignorer cette sensation inconfortable.

Mais elle n’eut pas le temps de souffler. En quelques instants, Alex s’était détaché du mur et avançait vers leur table. Son aura imposante força presque naturellement les conversations à baisser de volume.

Lorsqu’il arriva à leur hauteur, il planta son regard dans celui de Rosette.

— Vraiment, Blooms ? souffla-t-il d’une voix grave, mais tranchante. C’est donc ça, tes principes ? Il suffisait d’un verre pour que tu les balances aux oubliettes ?

Le ton qu’il employait… une sorte de mépris mêlé à de la colère.

Rosette serra les poings sous la table. Qui était-il pour la juger ainsi ?

— Excuse-moi, mais depuis quand ai-je des comptes à te rendre ? rétorqua-t-elle, en le défiant du regard.

Alex ne cilla pas. Il se contentait de la fixer, son expression toujours aussi dure.

— Tu n’en as pas. Mais c’est pathétique. Il secoua la tête avant d’ajouter, avec un rictus amer : Je pensais que tu valais mieux que ça.

Cette phrase lui coupa presque le souffle. “Que je valais mieux que ça” ?

Un sentiment d’humiliation et de colère monta en elle. De quel droit se permettait-il de juger ses choix, alors que lui-même ne faisait que naviguer dans le mystère, sans jamais se justifier sur ses propres actes ?

Elle sentit Orchidée lui poser une main apaisante sur le bras, mais cela ne fit qu’attiser son envie de répondre.

— Tu sais quoi, Alex ? lâcha-t-elle d’un ton froid. Si tu veux jouer le mec déçu, fais-le avec ta copine. Occupe-toi de Sacha, pas de moi.

Un silence s’installa autour de la table. Orchidée arqua un sourcil, visiblement surprise du ton tranchant qu’avait employé Rosette.

Alex ne broncha pas, mais son regard s’assombrit légèrement. Il souffla par le nez, comme amusé par sa réaction, puis haussa simplement les épaules.

— Si c’est comme ça que tu vois les choses… murmura-t-il avant de tourner les talons et de disparaître dans la foule.

Rosette sentit son cœur battre à tout rompre. Elle s’attendait presque à une réplique cinglante de sa part, mais il était parti sans un mot de plus.

— Il est sérieux, lui ? lâcha finalement Orchidée.

Rosette expira lentement et attrapa son verre, sans même y toucher. Son goût amer lui restait déjà en travers de la gorge.

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