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Chapitre 2: Le poids du vide

L'amour, c'est le plus beau des sentiments qui puisse exister. Mais à ça s'ajoutent d'autres facteurs qu'on ne peut absolument pas mettre de côté.

Un enfant représente beaucoup pour un foyer. Ce lien indescriptible entre deux personnes… ce lien nous avait été refusé, et je m'en voulais de n’avoir pas pu combler mon foyer d’un être si merveilleux.

Bryan voulait un enfant du plus profond de son cœur, mais je ne pouvais pas lui donner ce qu'il désirait tant ; j'en étais incapable. J'étais une femme, mais à moitié.

Ce désir a eu raison de nous. Je n'avais pas besoin de l'entendre me le dire, je ressentais ses non-dits. L'espoir dans ses yeux s'éteignait petit à petit, et j'étais incapable de le rallumer.

Nous partagions à présent la même maison, mais entre nous, la flamme s'était éteinte.

Les tentatives, à maintes reprises, se soldaient par le même résultat.

— Vous ne pourrez pas avoir d’enfant ! Il vous est impossible de porter une grossesse à terme !

Au début, je refusais de m'y résoudre. Je voulais un enfant. Bryan voulait un enfant. Notre amour avait besoin de cet enfant.

Le jour où tout a basculé, je m'en rappelle comme si c'était hier.

Nous rentrions désespérés après une énième tentative ratée, un énième résultat négatif, un énième espoir qui disparaissait.

À la différence des tentatives précédentes, cette fois-ci, je vis dans le regard de Bryan l'espoir le quitter totalement. Nos mains, autrefois entrelacées, s’étaient séparées, et à aucun moment sa main n'avait frôlé la mienne.

Un silence régnait à présent. J'avais besoin de son réconfort, mais je ne le trouvais plus. Bryan survivait, mais là, c'était de trop.

Pour ne rien arranger, les visites de sa mère ne manquaient pas de me rappeler à quel point j'étais devenue « inutile » comme femme.

— Tu ne mérites absolument pas mon fils. Libère-le, il mérite d'avoir une famille. Si tu n'en es pas capable, tu devrais le laisser refaire sa vie avec une femme qui en vaudra le coup !

Je me mettais dos à elle. Ses paroles retentissaient comme des coups de poignard, mais ce qu'elle disait n'était pas faux. C'était blessant, certes, mais c'était vrai. J'étais incapable de donner un enfant à son fils. Je le privais de ce droit. Et je comprenais que Bryan commençait à en avoir marre…

Plus de :

— Maman, ça suffit ! Ça arrivera au bon moment ! Laisse-nous du temps ! Carine, c’est la femme de ma vie et nous aurons nos propres enfants !

Tout ça n’existait plus et je ne pouvais pas lui en vouloir. Au contraire, je m'en voulais.

Qu'avais-je fait pour ne pas mériter ce droit d'enfanter, moi aussi ?

N'en étais-je pas digne, moi aussi ?

Jamais je ne serais heureuse d'avoir mon enfant dans mes bras, de le bercer, de le nourrir et de lui dire à quel point sa naissance est la plus belle des choses qui me soit arrivée.

Ce câlin magique qui me rassurait à chaque désillusion, je ne le recevais plus. Et à force, je ne le réclamais plus.

Les repas refroidissaient sous l'attente interminable des soirées où je me retrouvais de plus en plus seule.

Cette première fois où il a décidé de retrouver ses copains pour « une soirée », je m'en souviens encore aujourd'hui.

— Bryan, le dîner est servi !

D’un regard en coin sur la table, il attrapa aussitôt son blouson et lança cette phrase :

— Je ne dînerai pas à la maison ce soir. Je vais passer la soirée avec des potes !

— Bryan, ne…

À peine avais-je commencé à parler que la porte se referma aussitôt derrière lui.

En presque quatre ans de vie commune, Bryan n'avait jamais manqué un dîner. Ses copains, avec qui il préférait désormais passer ses soirées, étaient autrefois accueillis à la maison, et nous nous retrouvions autour de ce repas. Mais ce soir-là, il déclara ne pas le passer à mes côtés.

Je m’appuyai contre la table, puis petit à petit je me résignai et m’assis. Face à moi, une chaise vide… celle qu’occupait Bryan, qui ne manquait pas autrefois de me prendre la main et de me rappeler à quel point j’étais la femme de sa vie et que nous aurions une belle et grande famille.

Ce soir-là, je me retrouvai toute seule, et c'était le début d'une longue descente dans le néant.

Il rentrait désormais tard, et mes remarques étaient plus insignifiantes les unes que les autres. J'avais l'impression de l'ennuyer. À peine je commençais à parler qu’il me tournait le dos, ou qu’il s’endormait sur le canapé du salon.

Il n'allait plus bien, c'était évident. Et moi non plus.

Mes pensées me hantaient. Je me sentais fautive. Je ne parvenais pas à devenir la mère de ses enfants tant attendus et espérés.

Et ma jalousie envers les autres femmes s’intensifiait malgré moi. Je voyais la distance entre nous comme une trahison.

À la moindre occasion, je fouillais son portable. Je ne trouvais rien, mais ça ne me rassurait pas non plus.

— Carine, qu'est-ce que tu fais ? Tu fouilles dans mon portable ? Qu'est-ce qui t'arrive ?

Rouge de colère, je ne tardai pas à exprimer ce que je ressentais.

— Bryan, qu'est-ce qui nous arrive ? Je ne te reconnais absolument plus. Tu m'évites, tu ne me calcules plus du tout. Je suis devenue invisible, c'est ça ? Après tant d'années, c'est comme ça que tu me traites ?

Il me regarda en silence. J'aurais préféré qu'il dise un mot. Mais non, il me fixait. J'avais besoin d'entendre sa voix, de l’entendre me rassurer, de croire que tout irait bien et que nous surmonterions cette épreuve ensemble, plus soudés que jamais. Mais non. Cette fois-ci, j'étais seule face à cette réalité qui me sautait au visage.

Je ne pouvais pas être mère, et Bryan en avait marre d'attendre ce qui n’arriverait jamais.

— Je sors, je vais prendre l'air. Ne m'attends pas !

Je ne devais plus l'attendre. Je ne devais plus m'inquiéter pour lui.

C'est dur, pour une femme, de se rendre compte qu'elle n'est plus suffisante pour son mari. C'est très dur, même.

Arriva ce fameux jour où j’ai ressenti le déclic.

Je l’ai vu du haut de notre véranda. Il souriait avec une autre femme. Il lui tenait les mains, et je le voyais à nouveau heureux.

À un moment, il leva la tête vers le balcon. Ma main s'agrippa à la porte et mon pied recula, mais il me vit… et je crois qu'il voulait que je le voie.

Je sentis la tristesse et la douleur m’envahir tout entière. Mon cœur criait à l’aide sans que je ne puisse parler. Je saignais de douleur, et mes yeux rougissaient de désespoir face à cette scène.

Était-ce vraiment la fin ?

Si je voulais me voiler la face, la réalité, elle, était toute autre.

Les appels nocturnes, les messages tard le soir, les sorties de plus en plus fréquentes, et cette froideur entre nous deux… Ses silences me tuaient à petit feu. Je devenais esclave de cette vie de couple qui n’était plus fondée sur rien.

Une fin de journée, où Bryan n’était toujours pas là, je fis ce choix. Un choix lourd de conséquences. Mais à quoi bon, puisque je ne lui apportais plus rien ? À quoi bon, si je n’étais plus celle qui le faisait rire et avec qui il voulait passer ses journées ?

Je me suis décidée, enfin.

La main posée sur ma poitrine, les yeux inondés de larmes, je lui laissai cette lettre.

Cette lettre qui marqua la fin du supplice que nous subissions tous les deux.

Je quitte sa vie. Et avec moi, mon infertilité.

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