chapitre 4
Chapitre 4
Sophie attendit qu’Alex rentre ce soir-là avec une résolution ferme, une sorte de calme glacé qui s’était installé au fond d’elle. Le poids de sa décision, de sa colère et de sa douleur l’avait conduite jusqu’à ce moment où elle ne pouvait plus se taire. Assise dans le salon, elle fixait les aiguilles de l’horloge, chacune d’entre elles marquant le temps qui les éloignait davantage l’un de l’autre. Lorsqu’elle entendit la porte d’entrée, elle sentit son cœur s’emballer, mais elle refusa de céder à la nervosité.
Alex entra, déposa machinalement ses clés et son téléphone, sans même lui accorder un regard. Sophie sentit une colère monter en elle, une douleur profonde et amère qui refusait de rester silencieuse une seconde de plus.
« Alex, il faut qu’on parle », lança-t-elle d’une voix calme, mais ferme.
Il s’arrêta, semblant enfin prendre conscience de sa présence. Il la regarda, surpris par le ton de sa voix, mais il ne répondit pas tout de suite. Un soupir passa entre ses lèvres, presque exaspéré, et il finit par hocher la tête.
« Oui, on peut parler, mais je suis fatigué, Sophie », dit-il en passant une main sur son visage. « Si c’est pour encore évoquer des problèmes, je ne suis pas sûr que ce soit le bon moment. »
Elle serra les poings, refusant de céder à l’émotion. « Justement, Alex. C’est toujours « pas le bon moment ». J’ai l’impression d’être une étrangère dans ta vie, et ça ne peut plus continuer. »
Il leva les yeux, visiblement agacé, mais surtout surpris. Il ne s’attendait pas à une telle confrontation, à cette détermination dans le regard de Sophie.
« Tu exagères. Les choses sont un peu compliquées en ce moment, c’est tout », répondit-il en croisant les bras, comme pour se protéger. « J’ai beaucoup de pression au travail. »
Sophie secoua la tête. « Ce n’est pas le travail, Alex. Ne te cache pas derrière ça. Je sais très bien ce que tu fais en dehors de ces heures où tu dis être occupé. Je sais que tu passes du temps avec Sarah. »
À l’évocation de ce nom, elle vit une lueur passer dans ses yeux, un léger froncement de sourcils qui trahissait un malaise. Mais il resta impassible, son visage se fermant un peu plus, comme une barrière qu’il dressait entre eux.
« Sophie, ne commence pas avec ça. Sarah est juste une amie, quelqu’un du passé. Tu te fais des idées. »
Elle sentit son cœur se briser un peu plus, chaque mot de déni frappant son amour comme une lame invisible. Elle aurait voulu le croire, se rassurer, mais l’évidence était trop forte pour être ignorée.
« Je ne suis pas stupide, Alex. J’ai vu la façon dont tu agis depuis que tu l’as revue. Tu es distant, tu me caches des choses, et ça me tue un peu plus chaque jour », murmura-t-elle, sa voix tremblante d’émotion.
Il soupira à nouveau, ses yeux se posant brièvement sur elle, avant de se détourner, comme si affronter son regard était trop lourd pour lui. « Écoute, tu te montes la tête. Sarah n’a rien à voir avec nous. »
Elle se leva brusquement, incapable de rester immobile face à cette froideur, cette indifférence qu’il affichait avec tant de facilité. « Rien à voir avec nous ?! Alex, tu as changé depuis qu’elle est revenue. C’est comme si j’étais devenue invisible pour toi. Je ne peux pas vivre ainsi. »
Il haussa les épaules, comme s’il minimisait tout, réduisant son chagrin à quelque chose d’insignifiant. « Sophie, c’est toi qui te fais des idées. Sarah est juste quelqu’un avec qui je partage un passé, mais ça n’a rien à voir avec toi et moi. Tu devrais apprendre à être plus confiante. »
Elle se mordit la lèvre pour retenir les larmes, pour ne pas céder à cette vague de douleur qui menaçait de l’engloutir. Ce n’était pas une question de confiance ; c’était une question de respect, de loyauté, de ce qu’ils avaient construit ensemble. Elle se sentait trahie, mais encore plus, elle se sentait abandonnée.
« Très bien, Alex. Si c’est ce que tu veux, alors je vais me retirer. Je vais partir », déclara-t-elle d’une voix plus ferme qu’elle ne le ressentait. Elle ne savait pas d’où elle trouvait cette force, mais elle sentait que c’était la seule décision possible pour préserver ce qu’il restait d’elle-même.
Son annonce sembla enfin le surprendre. Il la regarda, le froncement de ses sourcils trahissant une certaine incompréhension. « Partir ? Sophie, arrête ces enfantillages. »
Elle rit, un rire amer et douloureux, écho de tout ce qu’elle ressentait depuis des semaines. « Enfantillage ? Ce qui est enfantin, Alex, c’est de croire que tu peux jouer avec mes sentiments, que je vais accepter d’être reléguée au second plan sans rien dire. Je mérite mieux que ça. »
Elle se tourna vers la porte, sentant son cœur battre à toute allure. Elle s’était toujours imaginée capable de tout pour cet amour, mais à cet instant, elle comprit qu’elle devait se choisir elle-même, pour la première fois depuis longtemps.
Alors qu’elle attrapait son sac, Alex fit un pas en avant, un éclat de panique dans les yeux. « Sophie, attends… tu ne peux pas simplement partir comme ça. »
Elle s’arrêta, lui faisant face une dernière fois, son regard rempli d’une tristesse infinie. « Justement, Alex. C’est tout ce qu’il me reste à faire. Parce que je ne peux plus rester là à être invisible pour toi. J’ai besoin d’être avec quelqu’un qui me voit, qui me respecte et qui veut être avec moi. »
Et sans attendre de réponse, elle franchit la porte, laissant derrière elle un amour qui l’avait détruite et un homme qu’elle ne reconnaissait plus. En marchant loin de lui, elle sentit une étrange sensation d’apaisement, comme si chaque pas la libérait un peu plus de la douleur qui l’avait emprisonnée si longtemps.
