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34       

C'est la mort dans l'âme que je me gare sur le parking du très chic restaurant que mes grands-parents ont apparemment fait privatiser pour l'occasion. Je repère immédiatement la voiture de mes parents et la boule d'angoisse logée dans mon estomac depuis hier prend instantanément encore plus d'ampleur. Je ferme les yeux une seconde pour me rappeler toutes mes résolutions et je souffle un bon coup. Même si j'aurais préféré ne pas les revoir de si tôt, je suis tout de même prête à leur montrer que leur petite fille a grandi. J'attrape mon sac à main et tout en marchant en direction du beau bâtiment en pierres recouvert d'un lierre des plus verdoyant, je saisis mon téléphone pour écrire à Ethan. Je sais qu'il ne me répondra pas puisqu'il est bien trop occupé à jouer au mari modèle mais je ne peux pas m'empêcher d'essayer à nouveau de... je ne sais pas trop en fait. 

Moi : Je viens d'arriver au restaurant. Ne t'inquiète pas, tout va bien se passer. 

Mon corps se fige sur le seuil d'entrée quand j'aperçois au fond de la salle mon père, un verre à la main en train de discuter tranquillement avec un de ses cousins. Son visage est détendu, presque angélique. Personne dans cette salle ne pourrait s'imaginer la cruauté dont il a fait preuve il y a quelques semaines à peine. Les souvenirs affluent à la vitesse de la lumière et prennent le contrôle de mon cerveau, tourbillonnant sans cesse autour de moi et m'étourdissant dangereusement. Devant mes yeux, je ne vois plus que son regard rempli de dégoût et de rage. Sur ma peau, je ne sens plus que ses doigts violemment enfoncés dans ma chair innocente. Dans mes oreilles, je n'entends plus que ses mots d'une méchanceté inouïe qui me tabassent encore aujourd'hui. Je tangue sans réellement m'en rendre compte mais je parviens tant bien que mal à me retenir contre la porte qui me fait face. La vitre glacée contre laquelle j'ai posé ma paume me sort de ma torpeur et je me force à mettre de côté ces affreux souvenirs qui me hantent malgré moi. Je n'ai rien dans l'estomac depuis presque deux jours et je dois m'y reprendre à trois fois avant de pouvoir vraiment abaisser la poignée de cette porte et me jeter dans la gueule du loup. 

Ma vision est totalement noircie par la vue de mon satané père qui occulte tout ce qui m'entoure. Je me sens tout à coup comme emprisonnée dans un étau étouffant qui aspire violemment tout l'oxygène dont j'ai besoin. Je cherche du réconfort sur l'écran de mon téléphone mais ce dernier, plus perfide que jamais, ne m'offre aucun message. Alors que je peine à gérer toutes les émotions qui m'assaillent depuis quelques minutes maintenant, j'entends des talons claquer le sol avec détermination et je découvre avec soulagement le visage lumineux de ma tante qui m'accueille à bras ouverts. 

-Candice, enfin te voilà ! 

Elle m'enlace avec douceur et mes tourments s'envolent peu à peu. Je savoure cette sensation chaleureuse d'être dans ses bras puis je lui plante un franc baiser sur la joue. Elle se dégage gentiment de notre étreinte avant de poser son regard sur mes vêtements. Je porte un pantalon pastel et un chemisier fleuri que j'adore. Cette tenue bucolique plutôt simple va tout de suite sembler bas de gamme aux yeux de ma mère mais je m'en fiche. Je me sens bien et je suis moi-même dans ces bouts de tissus, que ça lui plaise ou non ! 

-Tu sais que tu vas faire enrager ta mère ? me demande Olivia tout en riant doucement. 

-Oh, tu sais, un peu plus ou un peu moins... 

A l'entente de mes mots, ma tante détaille un peu plus mon visage et je vois ses traits dévoiler un brin d'inquiétude. 

-Ca ne va toujours pas mieux entre vous ? 

Je secoue vivement la tête et détourne le regard. Je n'ai pas envie d'en parler et surtout pas avec la seule personne qui a toujours réussi à me changer les idées lors de nos interminables repas de famille. Après avoir échangé quelques banalités, nous pénétrons dans la grande salle de restaurant qui me laisse sans voix. Cette immense pièce est absolument sublime ! Les murs de pierre et les colonnes majestueuses apportent un esprit authentique à ce lieu époustouflant de beauté. De légères toiles blanches sont tendues au plafond, renforçant ainsi l'atmosphère chic et cosy qui s'en dégage. De belles tables rondes jonchées de magnifiques fleurs sont positionnées à ma droite, ornées de chaises aux dorures exceptionnelles. Enfin, une grande baie vitrée nous permet de profiter de la vue du jardin parfaitement entretenu où des roses, des buissons parfaits et des arbres en fleurs se partagent un espace aussi verdoyant que féerique. On se croirait dans la salle de bal d'un conte de fée. Je cligne plusieurs fois des yeux avant que la voix réconfortante de ma grand-mère résonne dans mes oreilles. Je découvre son visage bienveillant qui m'enveloppe dans sa douceur, la même que j'ai toujours vue depuis que je suis toute petite. Aussitôt, je la serre dans mes bras et l'embrasse longuement, profitant de son étreinte pour redevenir l'espace d'une toute petite seconde la petite fille qui aimait tant se blottir contre sa mamie dès qu'elle en avait l'occasion. 

            

              

                    

Elle pose ses petites mains ridées sur mes joues et plonge son regard aimant dans le mien. Je me nourris de cette sensation de sérénité et de ce flot d'amour qui caresse lentement mon visage. 

-Tu m'as manqué mamie. 

Mon tout petit murmure se pose de la plus délicate des manière sur son cœur fragile et j'observe son regard pétillant se gorger de tout l'amour que je lui porte. Ma grand-mère a toujours été la personne la plus aimante que je connaisse et en sa présence, mes parents n'ont jamais agi comme ils le faisaient derrière les murs en apparence parfaits de notre maison. 

-Toi aussi ma petite chérie. Tu as beau être devenue une belle jeune femme, tu restes ma petite fille adorée. 

Quelques larmes humidifient déjà mes paupières et je peine à les empêcher de dévaler ma peau. En cet instant, je n'ai qu'une envie, celle d'embarquer ma grand-mère dans mon sillage et de rentrer chez elle pour y passer la journée. Nous nous blottirions l'une contre l'autre sous un plaid pour regarder des dessins animés tout l'après midi. Elle me caresserait distraitement les cheveux et me servirait sa limonade que j'aime tant. Je retomberais en enfance et oublierais tout ce qui consume mon quotidien. 

Elle caresse ma joue creusée par mes quelques kilos en moins puis pose une de ses mains sur mon ventre vide avant de me lancer un regard soucieux. 

-Tu as des problèmes en ce moment ma petite chérie ? 

Je ravale la vérité que j'aimerais lui dévoiler et mon cœur devient tout à coup cuisant quand je m'entends lui mentir effrontément. 

-Non ne t'inquiète pas, tout va bien. 

Son regard me fait comprendre qu'elle n'en croit pas un mot et me demande de ne pas oublier qu'elle est là pour moi. Il n'en fallait pas plus pour gonfler mon corps d'un courage inédit, me rendant prête à affronter cette journée qui s'annonce dors et déjà éprouvante. Les heures qui suivent se déroulent étonnement bien. Je déambule entre les membres de ma famille avec un verre de jus de fruit à la main et j'évite soigneusement mes parents. Ma tante m'embarque rapidement avec elle et nous trouvons un petit coin isolé dans le jardin ensoleillé qui borde le restaurant. 

-J'ai entendu dire que tu t'es trouvé un pro de la boxe pour assurer tes arrières et occuper tes nuits ? me lance-t-elle tout en jouant des sourcils. 

Je me fige une micro-seconde mais je me détends rapidement, me rappelant que je ne risque rien en me confiant à ma tante. Aussitôt, je me mets à détester ce reflexe qui s'est infiltré sous ma peau et me pousse à réagir comme si je cachais le plus honteux des secrets. J'aime un homme qui n'est pas libre et alors ? 

Je commence à lui raconter mon histoire, notre histoire. Je ne rentre pas trop dans les détails mais son regard brillant me montre qu'elle est réellement heureuse que je profite de ce bonheur que je lui décris avec mon cœur. Plus les mots s'enchainent, plus je sens cette confiance qu'Ethan me porte m'exhorter. Ma tante me pose une multitude de questions auxquelles je réponds distraitement mais je me laisse vite emporter dans mes pensées. Si je ressens toujours son aura près de moi, aujourd'hui cette sensation commence à s'effilocher. J'essaie tant bien que mal d'occulter le fait qu'il est auprès d'une autre femme en ce moment même mais cette tâche s'avère sacrément ardue. Sa femme. Peut-être est-il en train de la toucher ? De l'embrasser ? De lui dire ces mêmes mots qu'il me susurre quand nous faisons l'amour ? Un frisson de terreur me parcourt des pieds à la tête et je tente difficilement de me reconcentrer sur les paroles de ma tante pour occulter ces immondes pensées. Quand nous regagnons la salle du restaurant, je réalise silencieusement que plus le temps passe, moins j'ai confiance en Ethan. Cette pensée me tue à petit feu mais je ne peux pas faire autrement. Nous nous enlisons dans une vie cachée de tous qui me détruit aussi lentement que profondément. 

            

              

                    

Nous atteignons la grande baie vitrée qui a été ouverte pour permettre à tous de profiter de cette belle première journée d'avril quand ma mère se matérialise sous nos yeux. Je réprime un frisson et me fige, déjà en position défensive. Elle me gratifie de son habituel regard dédaigneux et scrute ma tenue avec tellement de dégoût que ma colère se ravive. Rapidement, elle demande à Olivia de nous laisser seules et avant que ma tante parte, je la rassure brièvement du regard. Quand elle s'éloigne, la femme qui m'a élevée me défie silencieusement de ses yeux foudroyants avant d'accroitre la tension qui règne entre nous. 

-Suis-moi. Il faut qu'on parle. 

Ca y est. Le moment tant redouté est arrivé. Mon sang afflue de façon anormalement chaotique dans mes tempes si bien que je n'entends plus que ce bourdonnement dans ma tête entrecoupé des battements déchirants de mon cœur qui s'écrasent violemment contre ma poitrine. Mon corps se réveille, il se prépare au combat et s'attend à des blessures profondes mais il sait déjà que c'est le prix à payer pour que je reprenne ma liberté. Ma mère ne bronche pas et nous conduit en direction des vestiaires où mon père nous attend. Malgré ma détermination sans faille, mes mains deviennent moites et se mettent à trembler quand mes prunelles émeraude rencontrent le regard plein de ressentiment de mon géniteur. L'air me semble tout à coup irrespirable, je donnerais tout pour pouvoir sentir la main de mon homme dans la mienne et me raccrocher à son regard. 

Je plante mes yeux terrifiés dans ceux de mon père et j'attends. J'attends les mots tranchants, les balles perdues et les coups verbaux. J'attends la violence, la rage et le dédain. J'attends que mon monde s'écroule à nouveau, que mon cerveau se retourne contre moi et que leurs paroles me pénètrent à l'encre indélébile mais rien ne vient. Seuls leur regard haineux et leur posture agressive répondent à ma fébrilité. J'ai envie de m'enfuir en courant pour retrouver Ethan mais je dois leur montrer que leur domination est révolue et que je suis une femme forte capable d'encaisser leur comportement honteux. Comprenant sans doute que je ne baisserai pas les yeux, mon père finit par briser le silence et lancer les hostilités. 

-Tu es vraiment irrespectueuse ma pauvre Candice ! La moindre des choses aurait été que tu viennes t'excuser auprès de moi !

Je manque de m'étouffer à l'entente de ces mots. 

-Pardon ??! 

-Dois-je te rappeler que ton petit-ami m'a agressé comme un sauvage ?  

Chacune de mes cellules, chaque parcelle de ma peau, chacun de mes neurones est maintenant gorgé d'une détermination à toute épreuve. Son culot a enflammé le brasier de rancœur qui m'accompagne chaque jour depuis mon enfance et il est grand temps de laisser ces flammes faire exploser tout ce que je garde en moi depuis bien trop longtemps. 

-Il ne se serait jamais approché de toi si tu ne m'avais pas traitée comme tu l'as fait. Tu n'avais pas le droit de venir chez moi pour m'attaquer. Je suis peut-être votre fille mais vous, vous ne vous êtes jamais comportés comme des parents dignes de ce nom.  

Le rire cynique de ma mère envahit la froideur de cette pièce qui me paraît plus étroite à chaque minute qui passe. Je tremble de rage et de peur. 

-Ca y est ? Tu as fini ta petite crise ridicule Candice ? Est-ce que tu réalises que tu nous dois le respect ? 

-Vu comme vous me traitez, vous ne le méritez plus. J'ai toujours tout accepté sans broncher : les humiliations, les remontrances non justifiées, la pression, vos exigences inatteignables mais vous ne m'avez jamais traitée comme je le méritais. Alors je vous le dis droit dans les yeux : je ne vous dois plus rien. 

Je crois voir le choc se dessiner sur le visage de mes parents mais en un battement de paupière, il disparaît.  

-C'est ton petit-ami qui t'a mis ces inepties en tête ? m'interroge ma mère en serrant les dents. 

            

              

                    

Ne souhaitant pas me justifier, mon père en profite alors pour reprendre la parole.

-Tu vis avec un fou furieux Candice, en as-tu seulement conscience ? 

C'en est trop, j'explose. 

-Ne parle pas de lui comme ça ! Ne vous avisez pas de le juger ! Les fous furieux dans cette histoire, ce sont plutôt vous, vous devriez avoir honte de tout ce que vous m'avez fait subir !

-Non mais regarde-toi ! renchérit ma mère. Tu te présentes à l'anniversaire de mariage de tes grands-parents dans une tenue débraillée, tu hausses le ton face à tes propres parents, tu nous parles avec un irrespect dépassant l'entendement... On s'est renseignés sur cet homme. J'ai failli avoir une attaque cardiaque quand j'ai appris que tu fréquentais ton patron. Non mais Candice, réalises-tu seulement les conséquences de tes actes ? As-tu une seule seconde pensé aux commérages et aux ragots dont nous allons être les victimes par ta faute ? Et... 

-Je n'en ai absolument rien à faire maman ! Dorénavant, je mène ma vie comme je l'entends et je n'ai plus aucun compte à vous rendre. 

Du coin de l'œil, je vois le corps de mon père se tendre ostensiblement et je tressaille. Malgré moi, j'ai peur qu'il redevienne violent. Par chance - si je peux appeler cela de la chance - il se contente seulement de continuer à me mitrailler avec ses mots. 

-Et cela ne te dérange pas qu'il soit marié ? Est-ce-que tu réalises que cela fait de toi la putain de l'entreprise ? Et cerise sur le gâteau, sa femme n'est autre que...

-STOP ! 

J'ai hurlé de toutes mes forces, de toute ma voix et tout mon cœur. Il faut que ça s'arrête. Je refuse qu'ils continuent de me juger, de me détruire et de me sacrifier au nom de leur réputation. Ils ne sont que des monstres sans pitié. Un silence de plomb s'est abattu sur nous lorsque j'ai crié. Mes parents se tiennent en face de moi, les bras croisés sur leur poitrine froide et vide. Mon corps n'a jamais été aussi vivant et éteint à la fois. Ce combat final m'ôte tout espoir que les choses changent un jour et je décide d'user de mes dernières forces pour rentrer chez moi au lieu de continuer à m'infliger autant de méchanceté. Je tourne les talons et sort de cette petite pièce semblable à l'enfer quand je les entends m'interpeller dans mon dos. Sans réfléchir, je profite une dernière fois de cette confrontation désastreuse pour mettre un terme à toute cette destruction. C'est avec un calme déconcertant que je m'adresse maintenant à eux. 

-C'est... c'est fini... je ne veux plus être votre souffre-douleur... je ne veux plus vous revoir tant que rien n'aura changé. Vous me faites trop de mal, il faut que ça s'arrête. 

Je ne me retourne pas, je les laisse penser ce qu'ils voudront de moi. De toute façon, ils ne m'ont jamais attendue avant de se faire leur opinion. Rapidement, je quitte la salle avant de m'engouffrer dans ma voiture sans plus attendre. 

L'adrénaline qui pulse dans mon corps tout entier fait trembler mon cœur aussi fort que mes membres. J'ai énormément de mal à garder le parfait contrôle de mes mouvements, j'ai bien conscience que ma conduite est dangereuse mais je dois à tout prix m'éloigner d'eux au plus vite. J'appuie un peu plus fort sur l'accélérateur tout en essayant d'attraper maladroitement mon téléphone perdu au fin fond de mon sac. En me penchant sur le siège passager, je fais un dangereux écart mais je parviens à redresser ma trajectoire sans créer de catastrophe. Ce n'est pas ce que pense le conducteur de la voiture qui me lance tout un tas d'appels de phares, apparemment ! Sans perdre une seule précieuse seconde, je compose le numéro de téléphone d'Ethan et j'attends. Les sonneries s'enchainent pendant que mon cœur encore sous le choc continue d'éventrer sans pitié ma poitrine. De grosses larmes s'accumulent au coin de mes yeux quand j'entends son répondeur se mettre en route après quatre sonneries. J'ai beaucoup trop besoin de lui parler ou ne serait-ce que d'entendre le son de sa voix caresser mes oreilles et s'infiltrer au plus profond de mon âme pour me rappeler que j'ai fait ce qu'il fallait. Parce que la sensation déchirante qui s'est logée en moi me chuchote sournoisement que je viens de renier ma propre famille. Je suis orpheline par choix et j'ai peur de tout ce qui m'attend maintenant que je suis définitivement seule. Tout à coup, j'ai l'impression de redevenir cette petite fille perdue et solitaire qui ne pouvait se confier à personne. Impuissante, elle se débattait contre ses propres démons sans pouvoir trouver la chaleur réconfortante des bras de ses parents et elle pleurait en silence sous ses draps, jusqu'à s'étouffer avec ses propres sanglots. 

J'essuie rageusement mes yeux et je compose à nouveau le numéro d'Ethan. Son répondeur s'enclenche et la sentence tombe, implacable. Je refuse cette fatalité selon laquelle il va passer le weekend à m'ignorer sans vergogne et je recommence. Trois fois. Dix fois. Vingt-deux fois. Au bout d'un moment, j'arrête de compter et je jette violemment mon téléphone à ma droite. D'énormes sanglots passent la barrière de mes lèvres et mes larmes obstruent très vite ma vision si bien que je ne sais même plus si je roule correctement. Malgré moi, mon cerveau s'évade et décide de me torturer un peu plus. Je pense à Cassiopée et à son amitié perdue. Je pense à mes parents et à leur amour que je n'ai jamais réellement réussi à mériter. Je pense à Ethan qui ne m'a jamais vraiment choisie et mon cœur saigne. Je pleure si fort, si violemment, si intensément que l'oxygène que j'inspire à travers le chaos qu'est devenue ma vie se bloque dans ma trachée et je suffoque. Je suis forcée de m'arrêter sur la bande d'arrêt d'urgence de l'autoroute quand je réalise que je viens d'échapper de peu à une collision avec la voiture à côté de moi. Quand mon véhicule s'immobilise, mon visage baigné de larmes s'écrase durement contre mon volant et je tente par tous les moyens de me souvenir des mots doux d'Ethan pour sortir de cette torpeur mais je n'y parviens pas. Je n'y parviens plus. Ils sont trop loin dans mon esprit. Il est trop loin aujourd'hui. Mon ventre est tout à coup pris de douloureux spasmes si bien que je me hâte d'ouvrir ma portière et de laisser la bile qui remonte s'écraser sur le bitume.

Au bout de quelques secondes, j'entends un bruit étouffé résonner dans l'habitacle. La sonnerie de mon téléphone pour être précise. Je me précipite au pied du siège passager pour mettre la main sur l'appareil et je décroche hâtivement. Ma voix brisée est pitoyable mais elle n'est finalement que le reflet de ce que je suis. 

-A-allo ? 

-Candice ? 

Un vague aussi dure qu'un mur de brique s'écrase sur moi quand je réalise que la voix que j'entends n'est pas celle d'Ethan mais celle de Gabriel. Je croyais tellement que mon homme avait entendu mes appels au secours mais j'ai été bien trop naïve. Il m'a prévenue que je serai seule ce weekend et malheureusement, il tient parole. 

-Oui Gabriel ? 

-Je suis désolé de te déranger mais je viens de voir Maxime et il m'a expliqué ce qu'il s'est passé entre toi et Cass. Je... je n'ai jamais voulu tout ça, je suis sincèrement désolé. Je n'aurais jamais pensé que ce que je leur ai raconté te retombe dessus, je ne le voulais pas. 

Ses excuses flottent autour de moi mais elles ont du mal à se poser sur mon cœur. Je suis cruelle, j'en ai bien conscience puisqu'une fois de plus, il agit en parfait gentleman mais il n'est simplement pas celui que j'avais besoin d'entendre. Je renifle bruyamment et ma voix encore secouée de spasmes se met à trembloter.   

-Candice ? Tu es sûre que ça va ? 

-Non, ça ne va pas du tout. 

A ce moment précis, je crois que j'en ai marre de mentir à la terre entière. 

-Où es-tu ? 

-Arrêtée sur l'autoroute. 

Je l'entends soupirer d'inquiétude avant qu'il ne reprenne son ton légendairement calme. 

-Rejoins-moi chez moi. Ne reste pas seule si tu ne vas pas bien. 

Je réfléchis brièvement à toutes les options qui s'offrent à moi mais j'en fais rapidement le tour. Je ne sais pas ce qu'il pourrait se passer si je reste seule chez moi ce soir, j'ai bien trop peur de me réveiller dans un état lamentable demain matin. L'idée de retrouver la douceur de Gabriel m'apaise légèrement et même si je culpabilise de me servir une fois de plus de lui, je ferme les yeux et je lui murmure : 

-Merci Gabriel. J'arrive.

            

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