Chapitre 6
ALEXANDRA – POV :
Je me réveille en sursaut, les yeux grands ouverts. Mon
regard balaye la chambre. La lumière du matin filtre à
travers les rideaux, douce mais brutale. Mes sourcils se
froncent.
Est-ce que c’est... déjà le matin ?
Mon cœur s’emballe. Une panique sourde monte.
Qu’est-ce qui s’est passé ? J’ai... dormi ? Quelqu’un
était là hier soir. Quelqu’un était dans ma chambre. Et
moi ? J’ai dormi. Putain. Oh non.
Ma peau blêmit d’un coup. Est-ce que ça va se voir ?
Est-ce qu’il y a une marque ? Je fixe le miroir, hésitante.
J’ai pas envie de regarder. Je veux pas voir. Mais je dois
savoir. Une larme silencieuse glisse sans que je lui aie
donné la permission.
La curiosité finit par m’avoir. À petits pas, j’approche.
J’arrive devant le miroir, et je ferme aussitôt les yeux. Je
respire fort. Je reste plantée là, dix putains de minutes à
hésiter.
— Il faut que je regarde, me murmure ma conscience.
— Okayyy, je souffle.
J’ouvre lentement les yeux. Et je reste figée. Surprise.
Rien. Mon cou est lisse. Pas de marque. Pas de trace. Je
tourne la tête à droite, à gauche, encore et encore. Nada.
Comment c’est possible ? Je sais que j’ai senti
quelqu’un. Je l’ai ressenti jusque dans ma chair. Mais un
sentiment, ça prouve quoi ? Et s’il était dangereux ? Il
joue avec moi, je le sens. Mais pourquoi ? Qu’est-ce que
j’ai fait ? Je cherche pas les ennuis, moi. Je me cache
depuis toujours.
Ma tête bourdonne. La douleur cogne derrière mes
tempes. Je pose ma tête entre mes mains. Il faut que je
fasse quelque chose.
La police. Oui. Je dois prévenir la police. Je sais que j’ai
rien, aucune preuve, mais je m’en fous. Je vais pas
rester là, passive. Faut que je me tienne debout. Faut
que j’agisse. Je suis une femme, pas une gamine
apeurée.
Je ne le laisserai pas me détruire. Ni ma tête, ni mon
corps.
— Alors... Vous nous dites que quelqu’un est entré dans
votre chambre... et vous a mordu au cou ? fait l’officier
Lary.
— Oui. C’est ce que j’ai dit.
— Vous avez des preuves ? demande l’autre, Jones, en
s’appuyant nonchalamment contre mon étagère. Il
examine mes livres. Lary, elle, est assise face à moi sur
le canapé. Ils sont arrivés il y a une heure. J’ai pris sur
moi pour appeler.
— Il y avait des marques... décolorées. Sur mon cou, je
murmure, les yeux baissés.
Lary pose doucement sa main sur mon épaule. Je lève
les yeux. Elle a l’air sincèrement inquiète.
— Vous pouvez nous montrer ?
Je hoche la tête, tire un peu sur le col de mon sweat. Ils
se penchent tous les deux. Je ferme les yeux. J’ai honte.
— Est-ce que la personne a fait autre chose que ça ?
demande Jones.
Je me fige. Est-ce que je devrais leur dire que cette
scène m’a... mouillée ? Non. Impossible. Trop
humiliant.
— Vous devez tout nous dire. C’est pour votre sécurité,
dit Lary.
Je soupire. Je peux pas mentir, ils le sentiront. Mais je
peux enjoliver un peu, non ?
— Hier, je me suis réveillée avec une sensation...
comme si quelqu’un me léchait le cou. C’était mouillé.
— Juste ça ? On a besoin de tout savoir, insiste Jones.
— Je vous dis la vérité. C’est tout. Rien d’autre.
— Très bien. Je vais vous poser quelques questions plus
personnelles. Ça vous va ? demande Lary.
J’acquiesce, un peu tendue. Jones se redresse.
— Je vais faire un tour dans la maison.
— D’accord, je réponds, et je me tourne vers Lary.
— Vous avez un petit ami ? Ou un intérêt amoureux ?
— Non.
Je me prépare. Je sais quelle est la prochaine question.
— Avez-vous eu un petit ami par le passé ?
— Oui...
— Pourquoi vous n’êtes plus ensemble ? Une dispute ?
— Non. Il est parti. Soudainement.
— Pourquoi ?
— Je sais pas. Il est juste... parti. Un jour, il m’a dit
qu’il reviendrait. Il ne l’a jamais fait.
Je sens leurs regards. Ils doivent penser que je suis
pathétique. Qu’une fille qui connaît même pas les
raisons du départ de son copain est une idiote.
— Il vous a dit qu’il reviendrait ? Vous pensez que ça
pourrait être lui ?
— Alors pourquoi il se planquerait ? Pourquoi ne pas
venir me parler ? Ça n’a aucun sens.
— Je suis d’accord. S’il était vraiment de retour, il
n’aurait pas besoin de se cacher. Est-ce que vous avez
eu une relation intime récemment ? Quelqu’un avec qui
vous avez partagé... quelque chose ?
Mon visage brûle. Une tomate. Je devrais lui parler de
Justin ? Je soupire.
— Ça fait quatre ans que j’étais seule. Mais hier...
Je m’arrête. Je cherche mes mots.
— J’ai embrassé quelqu’un. Mon collègue. Justin. On
s’est croisés en boîte.
— Il vous met mal à l’aise ? Il a déjà agi de manière
suspecte ?
— Il m’a dit hier qu’il avait des sentiments. Il m’a
proposé deux fois de sortir, je l’ai refusé. Hier, je sais
pas pourquoi... je l’ai laissé faire.
Je frotte mes mains sur mon survêt, nerveusement.
— Vous pensez que ça pourrait être lui ?
— J’en sais rien...
Je sens les larmes revenir. J’essaie de les retenir. En
vain. Elles jaillissent. Les sanglots me secouent. Je me
cache dans mes mains.
— Je sais plus quoi faire. Je me sens ridicule...
Lary me caresse le dos, doucement, en murmurant que
ça ira. Jones revient, alerté par mes pleurs.
— Qu’est-ce qu’il se passe ? Ça va ?
Il me voit, baisse d’un ton.
— Écoutez-moi bien, dit Lary. On va le trouver,
d’accord ?
Je hoche la tête, en silence.
— On va poster des agents sous votre fenêtre. Devant la
maison aussi. S’il revient, on l’aura.
— Et s’il revient pas, sachant qu’on est là ? continue
Jones. On gardera un œil sur Justin. Vous sortirez avec
lui, comme d’habitude. On observera. Si c’est lui, on le
saura. On va aussi enquêter sur Xander.
Mon cœur rate un battement. Xander. Pourraient-ils
vraiment le retrouver ?
— D’accord, je murmure.
— Ne vous inquiétez pas. Ce malade ne s’en sortira pas.
On le descendra. D’une façon ou d’une autre.
Lary me serre dans ses bras. Et, pour une raison que je
comprends pas vraiment... je crois que j’en avais besoin.
— Merci, je murmure. Pour la première fois depuis
longtemps, un peu d’espoir se rallume.
Ils s’en vont. Je referme la porte. Je m’y appuie, le cœur
tambourinant.
Ça ira. Maintenant, ça ira.
Même si, au fond... une part de moi espère qu’ils
trouveront quelque chose sur Xander. Et une autre prie
pour que ce ne soit pas Justin.
POV inconnu :
Je ris. Fort.
C’est hilarant. Elle pense qu’alerter la police va changer
quelque chose ? Qu’ils peuvent m’arrêter ? Moi ?
Je secoue la tête, amusé. Quelle naïveté.
Elle croit pouvoir m’échapper. Elle me sous-estime. Je
comptais en finir vite. Mais maintenant... je vais prendre
mon temps. Elle va payer pour ça.
Je ne laisse pas de traces. Juste une sensation. Une
présence. Que va-t-elle dire aux flics ? Qu’elle me
"sent" ? Ils vont la prendre pour une folle. Un fantôme,
peut-être ?
Elle est adorable. Ma douce Alexandra. Si innocente. Si
parfaite dans sa terreur.
Et moi ? Je suis patient. Très patient.
Ce jeu ne fait que commencer.