La journée commence – Deux destins parallèles
Victor et Camille – Une distance devenue habitude
Victor boutonna sa chemise devant le miroir, jetant un coup d’œil furtif vers le salon. Camille était assise sur le canapé, jambes repliées sous elle, absorbée par l’écran de son téléphone.
Il hésita un instant.
Autrefois, il aurait pris le temps de s’asseoir à côté d’elle, de lui voler un baiser, de la faire rire avant de partir. Mais ces derniers mois, une barrière invisible semblait s’être dressée entre eux.
Il attrapa ses clés posées sur la console de l’entrée et lança un dernier regard vers elle.
— Bonne journée.
Camille releva à peine la tête.
— Ouais, toi aussi.
Une réponse rapide, automatique, sans chaleur.
Elle n’avait même pas détourné les yeux de son écran.
Victor serra la mâchoire. Un instant, il envisagea de dire quelque chose. De lui demander si elle allait bien, si quelque chose n’allait pas. Mais il savait déjà la réponse : un sourire distrait, quelques mots vagues, et un retour immédiat à son téléphone.
Alors, comme chaque matin, il ravala sa frustration et sortit, refermant doucement la porte derrière lui.
Le silence qui suivit résonna plus fort que n’importe quelle dispute.
Élise et Antoine – Une illusion d’effort
De l’autre côté du palier, Élise terminait de ranger la cuisine. La table du petit-déjeuner était encore dressée, une tasse de café fumant attendant Antoine.
Elle l’observa du coin de l’œil. Il venait de sortir de la salle de bain, les cheveux encore humides, ajustant rapidement sa chemise froissée. Il avait l’air fatigué. Comme tous les matins.
Mais aujourd’hui encore, elle voulait y croire.
Elle s’approcha doucement et posa une main sur son bras, tentant une dernière connexion avant qu’il ne s’éloigne pour la journée.
— Tu seras là pour le dîner ce soir ? demanda-t-elle, un sourire léger aux lèvres.
Antoine haussa les épaules tout en attrapant sa veste.
— Ouais, sûrement.
Aucune conviction.
Un simple réflexe pour clore la conversation.
Il vida sa tasse d’un trait et, sans un regard en arrière, se dirigea vers la porte.
Élise l’observa partir, son sourire s’effaçant lentement.
Elle avait l’habitude. Mais l’habitude ne rendait pas la douleur plus supportable.
Deux départs, un même vide
Victor et Élise quittèrent leur appartement presque en même temps.
Ils ne se croisèrent pas, mais si cela avait été le cas, ils auraient peut-être reconnu dans le regard de l’autre une lassitude familière, un même fardeau silencieux.
Victor déverrouilla sa voiture, s’installant derrière le volant dans un geste machinal.
Il lança un regard à son reflet dans le rétroviseur.
Les cernes sous ses yeux racontaient une histoire qu’il ne voulait pas affronter.
De son côté, Élise s’installa dans sa propre voiture. Elle fixa le volant quelques instants, laissant échapper un soupir profond.
Puis, presque au même moment, leurs moteurs vrombirent.
Deux vies parallèles.
Deux âmes seules, malgré l’amour qu’elles portaient toujours.
Deux cœurs fatigués d’attendre une réponse qui ne venait jamais.
Le soleil se levait sur la ville.
Mais pour eux, un autre jour sans éclat commençait.
Victor – Une solitude écrasante
Victor referma la porte de son bureau et s’affaissa dans son fauteuil. Il observa un instant l’écran noir de son ordinateur avant de soupirer longuement.
Depuis combien de temps n’avait-il pas ressenti une vraie complicité avec Camille ?
Depuis combien de temps leurs conversations se résumaient-elles à des échanges pratiques, des phrases brèves sur le dîner ou les factures à payer ?
Il avait toujours cru que le silence dans un couple pouvait être confortable, signe d’une entente naturelle. Mais ce silence-là était différent. Il était lourd, pesant, presque hostile.
Un frisson le traversa à cette pensée.
Et si Camille ne l’aimait plus ?
Non. Il chassa cette idée d’un mouvement de tête. C’était juste une phase, un creux dans leur relation. Tous les couples traversaient cela, non ?
Pourtant, au fond de lui, un doute s’insinuait.
Il n’osait pas en parler. Par peur d’affronter la vérité. Par peur qu’elle confirme ce qu’il redoutait déjà.
Élise – Une défense obstinée
— Élise, tu ne peux pas continuer comme ça.
Sa sœur, Clara, la fixait avec une inquiétude sincère, les bras croisés sur la table du café où elles s’étaient donné rendez-vous.
— Antoine a un problème, et tu ne peux pas le résoudre à sa place.
Élise serra les mains autour de sa tasse.
Elle savait ce que Clara pensait d’Antoine. Ce qu’elle pensait de leurs disputes, de ses absences, de ses excès.
Mais personne ne connaissait Antoine comme elle.
Personne ne connaissait l’homme qu’il avait été.
L’homme qui la faisait rire aux éclats, qui lui écrivait des lettres pleines de tendresse, qui l’embrassait comme si elle était la chose la plus précieuse au monde.
— Il traverse une période difficile, c’est tout. Il a juste besoin de temps.
Clara la regarda avec un mélange de tristesse et de résignation.
— Combien de temps, Élise ? Combien de fois vas-tu lui pardonner en espérant qu’il change ?
Élise détourna les yeux.
Elle ne voulait pas répondre.
Parce qu’elle ne savait pas.
Parce qu’une part d’elle avait peur d’admettre que peut-être, il ne changerait jamais.
Mais tant qu’il lui restait une lueur d’espoir, elle s’y accrocherait.
Même si cela signifiait souffrir un peu plus chaque jour.
Victor passa devant le restaurant italien où ils avaient célébré leur premier anniversaire de mariage. Il s’arrêta quelques instants, observant à travers la vitre les couples qui riaient, qui se tenaient la main, plongés dans une complicité qui lui semblait désormais lointaine.
