L’amour non réciproque
Victor – La fin d’une illusion
Victor était assis à la table de la cuisine, une tasse de café refroidissant entre ses mains. Il entendait Camille dans la salle de bain, se préparant, comme chaque matin.
Il savait exactement ce qui allait se passer.
Elle sortirait sans un mot, attraperait son téléphone, enverrait quelques messages en buvant son café d’un air distrait. Il lui dirait “Bonne journée”, et elle répondrait d’un vague “Hmm”, comme une habitude, sans y mettre d’intention.
Ce matin, pourtant, quelque chose était différent.
Victor n’attendait plus une preuve d’amour. Il ne cherchait plus à interpréter ses gestes, à espérer un sourire, une attention, une parole tendre.
Il savait.
Il savait qu’il n’y avait plus rien.
Lorsque Camille entra dans la cuisine, il la regarda comme si c’était la première fois qu’il la voyait sous ce jour-là.
Son visage était beau, toujours aussi gracieux. Mais son regard n’avait plus d’éclat pour lui.
Il tenta malgré tout.
— Tu veux qu’on dîne ensemble ce soir ? Juste toi et moi ?
Camille leva les yeux de son téléphone, l’air presque surprise.
— Ce soir ?
— Oui. Ça fait longtemps qu’on n’a pas vraiment pris le temps…
Elle hésita.
— J’ai déjà prévu de voir Léa…
C’était toujours Léa. Ou une autre excuse.
Victor hocha lentement la tête.
— D’accord.
Camille sembla soulagée qu’il n’insiste pas. Elle finit son café et se leva.
Avant de partir, elle se tourna vers lui.
— Bonne journée.
Il la regarda.
— À toi aussi.
Mais cette fois, ces mots sonnaient différemment.
Ils n’étaient plus empreints d’attente. Plus chargés d’espoir.
Ils étaient un adieu silencieux à l’amour qu’il avait cru éternel.
Élise – L’espoir contre toute logique
Élise se tenait dans l’encadrement de la porte de la salle de bain, regardant Antoine se passer de l’eau sur le visage. Ses gestes étaient lents, fatigués.
Il avait encore bu hier soir. Trop.
Il ne la regardait pas, concentré sur son reflet dans le miroir.
Elle s’approcha timidement.
— Antoine… Tu peux t’arrêter ?
Il ferma les yeux, exaspéré.
— Commencer la journée avec ça, vraiment ?
— Je ne te fais pas de reproches… Je veux juste comprendre.
Elle hésita, cherchant ses mots.
— Pourquoi tu fais ça ? Pourquoi tu te détruis comme ça ?
Antoine soupira et attrapa une serviette.
— Je ne me détruis pas. Je vis.
Elle sentit son cœur se serrer.
— C’est vivre, ça ? Oublier tes soirées ? Te réveiller avec la bouche pâteuse et les yeux cernés ?
Il haussa les épaules.
— C’est comme ça.
Elle aurait voulu le secouer, lui hurler qu’elle l’aimait trop pour le regarder sombrer sans rien faire.
Au lieu de ça, elle le prit doucement par la main.
— Tu te souviens de nous ? De comment c’était avant ?
Antoine fixa sa main dans la sienne, mais il ne la serra pas.
— Ouais.
Elle sourit, espérant voir une lueur dans ses yeux.
— On peut retrouver ça. Mais il faut que tu essaies. Que tu veuilles.
Il laissa échapper un rire amer.
— Toi, tu veux. Mais moi… J’sais pas, Élise.
Ces mots la frappèrent en plein cœur.
Il ne disait pas qu’il ne l’aimait plus. Il ne disait pas qu’il voulait partir.
Il disait qu’il ne savait plus.
Mais ce flou, elle s’y accrochait. Parce que tant qu’il n’avait pas dit non, il restait une chance.
Elle le regarda s’éloigner, une boule dans la gorge.
Elle l’aimait. Plus qu’il ne le méritait, peut-être. Mais elle l’aimait.
Et elle continuerait d’espérer.
Même si lui n’espérait plus.
Victor – Un silence qui hurle
Victor rentra chez lui comme tous les soirs, poussant la porte d’entrée avec lassitude.
Il n’y avait pas de lumière d’accueil, pas de voix joyeuse pour lui souhaiter la bienvenue. Seulement le bruit distant de la télévision et le faible bourdonnement d’un téléphone vibré.
Il posa ses clés sur la table, hésita une seconde avant de se diriger vers le salon. Camille était là, recroquevillée sur le canapé, son écran illuminant son visage impassible.
— Salut.
Un murmure, presque une tentative désespérée de se raccrocher à une habitude.
— Hmm.
Une réponse automatique, sans lever les yeux, sans même feindre un sourire.
Victor resta debout un instant, cherchant quoi dire, quoi faire pour briser ce mur invisible entre eux.
— Ta journée s’est bien passée ?
— Oui.
Un mot. Sec. Froid. Comme chaque soir.
Il voulait lui parler. Lui dire qu’il se sentait seul, même en sa présence. Qu’il avait besoin d’elle, de ses rires, de ses gestes tendres qu’elle lui refusait désormais.
Mais il savait que cela ne servirait à rien.
Alors, il soupira et se dirigea vers la cuisine.
Il prépara un repas qu’elle ne remarquerait pas, mangea dans un silence pesant, puis se réfugia dans leur chambre, un livre à la main.
Avant, il l’attendait. Il espérait qu’elle le rejoigne, qu’elle se blottisse contre lui comme autrefois.
Mais il savait que cela ne servirait à rien.
Alors, il soupira et se dirigea vers la cuisine.
Il prépara un repas qu’elle ne remarquerait pas, mangea dans un silence pesant, puis se réfugia dans leur chambre, un livre à la main.
Avant, il l’attendait. Il espérait qu’elle le rejoigne, qu’elle se blottisse contre lui comme autrefois.
Mais il avait cessé d’espérer.
Il savait qu’elle viendrait bien plus tard, après avoir terminé sa soirée virtuelle, après avoir échangé des messages avec des inconnus plus intéressants que lui.
Et chaque nuit, il s’endormait en se demandant quand il avait cessé d’être une priorité dans sa vie.
