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Chapitre 5

Je ne sais pas précisément à quelle heure je me suis levée le matin venu, mais je suppose que c'est à une heure assez avancée car c'est Miria qui m'a réveillé, et la Miria que je connais n'est pas du genre à se lever tôt. Surtout pas après une nuit au club. À seulement quatre mois de cohabitation, je connais déjà presque tous ses habitants. C'est normal, ça fait quand même un bon moment que je la connais.

En réalité, j'ai fait sa connaissance deux ans plus tôt alors que j'étais dans une phase difficile de ma vie. Je venais de perdre ma mère et mon père. J'inclus mon père dans cette perte parce qu'après la mort de ma mère, ce dernier n'a plus jamais été le même.

Le père travailleur et attentionné que je connaissais s'était transformé en un homme froid et alcoolique qui réclamait de moi tout ce que la vie lui avait volé : sa femme ; parce qu'il me considérait comme la seule responsable de sa mort. Et je le comprends car c'est aussi ce que je pense de moi. Si je ne lui avais pas tenu tête dans ces escaliers et si je n'avais pas été aussi entêtée, jamais elle ne serait tombée dans ces marches. Elle qui avait déjà une santé si fragile...

Mais ce n'était pas la seule chose qu'il me réclamait. Il exigeait également de moi tout l'argent qu'il perdait dans l'alcool. Il ne cessait de me répéter que c'était aussi de ma faute s'il était devenu alcoolique, un statut qui lui avait coûté en passant son travail, et que par conséquent, je devais me trouver un travail pour m'occuper de lui.

C'est lors de la recherche de ce travail que j'ai rencontré Miriana Costa.

Elle était venue passer un entretien d'embauche dans la même entreprise que moi et pour le même poste : secrétaire personnelle du PDG. Nous avions fait connaissance alors que nous patientions le temps d'être reçus pour nos entretiens.

J'avais appris pendant nos échanges qu'elle était de quatre ans mon aîné, -j'avais vingt ans à l'époque- et qu'elle était maman d'une petite fille de trois ans. Le père n'ayant pas assumé ses responsabilités, elle s'occupait seule de sa fille.

Après l'entretien qui s'était révélé réussi pour moi, nous avons échangé nos numéros puis sommes restées en contact.

Un mois plus tard, quand par curiosité je lui avais demandé ce qu'elle faisait comme boulot depuis que son entretien n'avait pas marché, elle ne m'avait pas menti. Elle avait été très hésitante, mais elle avait fini par me dire qu'elle travaillait dans un club de strip-tease. J'avais été très troublée par sa réponse. Je ne cessais de me demander si elle y travaillait comme serveuse ou comme danseuse, même si au fond j'avais ma petite idée.

Au fur et à mesure que les mois passaient notre amitié se solidifiait. Alors après mon travail, je passais la plus grande partie de mon temps libre dans son appartement qu'à la maison. Elle me faisait en quelque sorte oublier les crises de nerfs de mon père. Ce dernier avait commencé à fouiller dans mes affaires à la recherche de mes économies comme si l'argent que je lui donnais n'était pas assez. Nombreuses sont les fois où je retrouvais ma chambre sens dessus dessous parce qu'il y était passé.

Miria m'avait plusieurs fois conseillé de quitter la maison et m'avait même proposé d'être sa colocataire, mais je refusais à chaque fois parce que je ne voulais pas le laisser tout seul. Je voulais être là pour prendre soin de lui et veiller sur lui quand il est trop saoul pour le faire lui-même.

Cependant, après quelques mois, j'avais fini par en avoir marre. Marre de ses humeurs, de ses injures, de me faire rabaisser constamment, de ne jamais recevoir un simple sourire en guise de récompense pour tous mes efforts. Surtout qu'à force de les faire pour lui, j'en oubliais de les faire à mon travail et qu'au final j'avais fini moi aussi par perdre mon job.

Alors je m'y suis résolue. Je me suis donc installée à l'appartement de Miria. Je me souviens encore de la tête de mon père le jour où je quittais la maison familiale. Il avait l'air dévasté. Pourtant, il n'avait rien fait pour me retenir. Au contraire, il m'avait motivé à m'en aller sous prétexte qu'il serait bien mieux sans une criminelle comme moi à ses côtés.

Chaque week-end, je passais tout de même lui rendre visite afin de m'assurer qu'il allait bien. Mais je ne lui donnais pas grand-chose. Je n'avais plus assez d'économie pour assumer ses dépenses et les miennes. Et ça, monsieur ne le supportait pas. Comme c'est mon père, je ne pouvais bien évidemment pas le laisser à son sort. De toute façon, la culpabilité que je ressentais ne me le permettait pas.

C'est sans doute pour ça que sans réfléchir je m'étais tournée vers ce job qui allait contre tous mes principes, mais qui me donnait la possibilité d'avoir de l'argent facilement.

- Allez marmotte, tu en as assez fait pour aujourd'hui. Debout !

Je sursaute légèrement en revenant dans le présent. Je me redresse lentement dans le lit et me mets en position assise. Lorsque je tourne la tête vers Miriana, je remarque qu'elle est vêtue d'une façon qui laisse croire qu'elle s'apprête à sortir. Elle porte un pull à col chemise noir qu'elle a fourré dans un pantalon moulant blanc.

- Où vas-tu ?

- Chercher Océane, Je passe juste te prévenir.

Elle parle ici de sa fille. C'est une petite de cinq ans aux yeux aussi bleus que l'océan. Miria m'a confié que c'est de là qu'elle tient son prénom. Elle reste chez sa tante Sylvie la grande sœur de sa mère lorsque cette dernière est au club. Mais ce n'est pas très souvent puisque contrairement à moi, Miria n'y passe que la nuit du vendredi et le week-end.

- Et en même temps te dire aussi de ne pas oublier d'aller récupérer ta voiture. Tu sais bien que je m'en sers moi aussi de temps en temps, poursuit-elle.

Mes yeux s'écarquillent subitement suite à ses dires.

- Mon Dieu ! Ça m’était complètement sortie de la tête, je dis en rejetant ma tête contre le chevet du lit.

Je suis sur le point de demander comment elle a eu cette information, mais je me souviens rapidement que ce matin, aux environ de cinq heures, alors que nous rentrions à notre appartement, je lui avais brièvement parlé de ma mésaventure du bar pour expliquer l'absence de ma voiture.

- Quelle heure est-il ?

- 09h... Commence-t-elle en regardant la montre sur son poignet. Ah, non ! Il est maintenant 10h. À quelle heure tu dois y être ?

- Je ne sais pas, il m'a seulement demandé de venir dans la matinée.

- Eh bien, dépêche-toi alors. Moi j'y vais, mais dès que je reviens, je veux les détails de cette histoire.

- Il n'y a pourtant rien d'autre à dire. À mon humble avis cet homme est juste fou.

- Ou il cherchait juste un moyen de te revoir.

Je la regarde en fronçant les sourcils puis involontairement mes yeux la quittent et se perdent dans le vide. Voilà quelque chose à laquelle je n'avais pas pensé.

- Il a une drôle de manière de s'y prendre si c'est le cas, je réponds faiblement en repensant au comportement qu'il a eu avec moi.

- Peut-être que je me trompe, mais bon, avec les hommes c'est toujours pareil. Ils ne font jamais rien pour rien.

Lorsque je reporte mon attention sur elle, je remarque qu'elle a l'air perdue dans ses pensées. On dirait qu'elle ne fait plus référence à ce qui se passe ici dans le présent, mais à un fait passé qui l'aurait marquée. Quand je vois ses mains caressant inconsciemment le médaillon qu'elle a au cou, je devine vite qu'elle repense au père de sa fille.

Je ne connais pas le fin fond de leur histoire, et même si à chaque fois que j'aborde le sujet elle l'évite en disant que c'est du passé ou qu'elle a déjà tout oublié, je sais que ce n'est pas le cas. Elle y repense encore et encore.

- Bon, elle lâche subitement. Je file. À plus !

Rapidement, elle quitte ma chambre sans me laisser le temps de dire quoi que ce soit. Je reste bloquée, un peu surprise par sa réaction. Ce n’est pas la première fois que ça arrive, mais ça me fait toujours le même effet.

Après un long soupire, je descends enfin de mon lit. Je prends mon téléphone sur ma table de nuit et constate qu'il est à présent dix heures et sept minutes. Je souffle une seconde fois puis le repose à sa place précédente. Je n'ai aucune envie de sortir aujourd'hui. Je suis trop fatiguée pour cela. Mais je n'ai pas tellement le choix.

Après avoir pris une bonne douche, je me mets dans une salopette jupe courte sous laquelle je porte un t-shirt. Je prends ensuite mon petit sac à main tricoté dans le lequel je mets que mon portable et de quoi payer un taxi avant de me mettre en route.

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