chapitre 5

Chapitre 5

Les valises n’étaient pas encore posées que l’atmosphère pesait déjà sur ses épaules. Irina observait la porte massive du manoir se refermer derrière elle avec un bruit sourd, comme un couperet. Pas besoin d’explications : ce lieu n’avait rien d’un foyer. Pas pour elle.

La première rencontre avec l’équipe fut brève, tendue, et glaciale. Des regards échangés en coin, des murmures qu’ils ne prenaient même pas la peine de masquer. Une femme aux cheveux impeccablement tirés s’avança, un sourire aussi rigide qu’un masque collé au visage.

— Je suis Patricia, assistante personnelle de monsieur Draymore. Vous trouverez dans votre chambre une liste des règles qu’il souhaite que vous respectiez. Si vous avez des questions, adressez-vous à moi… mais je doute que ce soit nécessaire.

Irina soutint le regard sans ciller, mais intérieurement, elle sentait les lames invisibles des jugements. Ils la voyaient comme une intruse, une imposture. Une fille parachutée dans un monde où elle n’avait rien à faire. Elle hocha simplement la tête, choisissant de ne pas répondre. Patricia la toisa une dernière fois avant de tourner les talons, ses talons claquant sur le marbre comme une sentence.

Xander n’était pas là pour l’accueillir, évidemment. Il n’allait pas se salir les mains avec des politesses inutiles. Pourtant, elle savait qu’il observait. Pas directement, mais par ces yeux invisibles disséminés dans chaque recoin de ce manoir. Rien n’échappait à Xander Draymore.

Quelques heures plus tard, il daigna enfin apparaître, son pas assuré résonnant dans le hall. Il s’arrêta à quelques mètres d’elle, les mains dans les poches, un sourire suffisant accroché à ses lèvres.

— Alors, princesse, tu trouves tes marques ?

Elle haussa un sourcil, refusant de mordre à l’hameçon.

— J’imagine que ça viendra.

Il s’approcha, lentement, comme un prédateur qui jauge sa proie.

— Laisse-moi t’expliquer comment ça va fonctionner. Ici, tu suis mes règles. Tu ne poses pas de questions, tu ne fais pas de vagues. En public, tu joues le rôle à la perfection : une épouse docile, souriante, et respectable. En privé, je n’attends rien de toi, si ce n’est de rester hors de mon chemin.

Elle croisa les bras, soutenant son regard.

— Et si je refuse ?

Il éclata d’un rire bref, presque amusé.

— Refuser ? Très drôle. Mais tu ne refuseras pas, parce que tu sais aussi bien que moi que tu n’as pas le choix.

Elle sentit la colère monter, mais elle l’étouffa. Pas question de lui donner cette satisfaction.

— Très bien. Mais ne t’attends pas à ce que je me taise si quelque chose ne me plaît pas.

Il la fixa un moment, son sourire se figeant légèrement.

— Fais comme tu veux. Mais sache que dans mon monde, les voix discordantes finissent toujours par se taire.

La tension était palpable, un duel silencieux qui se jouait sous les regards discrets des domestiques. Xander finit par s’éloigner, non sans lui lancer une dernière pique :

— Bienvenue chez moi. J’espère que tu survivras.

La première nuit fut plus difficile qu’elle ne voulait l’admettre. Le manoir était immense, chaque couloir semblant murmurer des secrets qu’elle ne comprendrait jamais. Les visages de l’équipe étaient froids, indifférents, parfois hostiles. On lui servit un repas, mais personne ne resta à table avec elle. Un silence pesant s’installa, coupé seulement par le bruit de ses couverts.

Le lendemain, elle découvrit la fameuse liste de règles. Des pages entières, précises, détaillant tout, des heures de réveil aux interactions autorisées avec le personnel. Un règlement militaire, sans aucune place pour l’erreur.

Elle se planta devant Patricia, tenant les feuilles entre ses doigts.

— Et si je ne respecte pas tout ça ?

L’assistante la regarda comme si elle venait de poser la question la plus idiote au monde.

— Alors, vous aurez des problèmes. Et croyez-moi, vous ne voulez pas en avoir avec monsieur Draymore.

Irina ne répondit pas, mais un sourire ironique étira ses lèvres.

— On verra.

Les jours suivants furent une épreuve. Chaque interaction était un test, chaque regard une accusation silencieuse. Mais elle refusait de plier. À chaque fois qu’elle sentait leurs jugements, elle redressait un peu plus la tête.

Un soir, Xander la convoqua dans son bureau. Elle entra sans frapper, sa colère contenue bouillonnant sous la surface.

— Tes règles, commença-t-elle sans préambule, sont absurdes.

Il leva un sourcil, visiblement amusé par son audace.

— Absurdes ? Tu es dans ma maison, et tu crois pouvoir critiquer mes décisions ?

— Ce ne sont pas des décisions, répliqua-t-elle. Ce sont des caprices.

Il se leva, s’approchant jusqu’à ce qu’ils ne soient séparés que par quelques centimètres.

— Écoute-moi bien. Ce contrat, ce mariage, cette maison… tout ça, c’est un jeu. Un jeu que je contrôle. Alors si tu veux survivre ici, tu ferais mieux de t’y plier.

Elle le fixa, le feu dans ses yeux rivalisant avec la froideur des siens.

— Peut-être que je ne veux pas survivre. Peut-être que je veux changer les règles.

Un silence tendu s’installa, puis il éclata d’un rire bref, sec.

— Bonne chance, princesse. Tu vas en avoir besoin.

Quand elle quitta la pièce, elle sentit une étrange satisfaction. Il pouvait imposer toutes les règles qu’il voulait, mais il ne la briserait pas. Pas aussi facilement.